Points de vue et subjectivité

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Le vendredi est pour le moment consacré aux nouvelles liées à In-Existence et aux réflexions en cours d’écriture. Certaines sont transversales, touchant aussi bien l’écriture romanesque que rôliste au sens large (création d’univers et de scénarios).

📖 Journal d’écriture au 19 avril 2024

Comment ranger les informations ?

Le premier dépouillement du sondage des intérêts des abonnés ayant fait apparaître un intérêt pour le moins modéré pour la lecture de romans et nouvelles, je tâche de réfléchir à la manière de présenter ce journal d’écriture. La configuration des abonnements par catégories (et donc intérêts) était un premier pas. A la suite de cela, j’ai aussi préparé des pages consacrées à In-Existence et aux playlists : vous y retrouverez toutes les informations sur ces sujets, avec des liens vers Pinterest et Spotify. Les liens de téléchargement des fichiers de roman seront disponibles aussi sur la page du livre. Le journal d’écriture se poursuit, mais je vois pour accompagner ces publications de réflexions transversales. On pourrait se dire « quelle horreur ! l’autrice se censure ! », mais en réalité, les contenus sont les mêmes que ceux qui seraient parus en articles, c’est le rangement qui évolue. J’écris pour le plaisir, ce serait trop dommage de m’arrêter !

Le farming de la traque de la coquille

J’ai fait l’acquisition d’Antidote cette semaine, et je cumule déjà… un certain nombre d’heures d’usage. C’est à la fois grisant et effrayant de se lancer sur les corrections de fichiers de 1 million de signes.

  • L’alimentation des dictionnaires personnels prend un peu de temps quand on arrive en fin de chantier. C’est vraiment à faire au fur et à mesure !
  • L’outil est pratique pour la traque des coquilles et certaines impropriétés (hello « rappeler » qui est transitif direct et non indirect, ce qui est en revanche le cas de « se souvenir »). En revanche, il n’est pas « magique » au sens où il peut invoquer une règle de grammaire, et ne pas « comprendre » que la phrase la respecte et le changement introduirait précisément une erreur. Il est en difficulté sur les phrases complexes, ou pire : les ruptures syntaxiques, avec du discours indirect libre. Forcément, il essaie de suivre la ponctuation pour avoir des unités de sens, or il se retrouve avec des « … » ou des points qui correspondent à une manière de traduire une certaine oralité, un rythme.
  • Le réglage de la typographie et les choix entre graphie traditionnelle et rectifiée sont un peu vertigineux au début, mais ces fonctions sont fluides ensuite.
  • « L’anti-oups » n’était pas mon motif premier d’achat, mais je le trouve d’un usage agréable.
  • Pour l’instant, l’un des usages principaux pour moi est la traque des répétitions. Autant certaines peuvent être voulues, autant il arrive facilement que dans le flux de l’écriture je me laisse avoir. C’est parfois assez … Mention spéciale à « Le verdict avait lieu demain. Demain, …« .
  • Astuce si vous êtes assez fous pour vouloir corriger un fichier trop gros pour votre bien (sur Word) : allez dans le volet de navigation, puis clic droit (menu contextuel) sur le titre de la section ou chapitre que vous voulez sélectionner, opter pour « Sélectionner l’en-tête et le contenu ». Une fois que c’est fait, passez en onglet « Antidote » et lancez la correction. Vous éviterez de mettre votre ordinateur à genoux en lui faisant traiter trop d’erreurs à la fois. Par ailleurs, vous pourrez vous concentrer sur une unité de sens plus petite, et c’est pratique.
  • Suite astuce : faites le nettoyage typographique sur tout le document une fois que vous avez décidé des types de tirets et des espacements. Ce sera réglé une fois pour toute.

Au final, je tourne entre 30 minutes et 1h30 pour un passage en revue de chapitre. Plus le dictionnaire personnel est à jour, et mieux les choses se passent. Cependant, les reformulations pour éviter les répétitions gênantes sont parfois une vraie prise de tête.

Une étape, et une nouvelle phase

Je tiens à remercier Moïra (que vous pouvez rencontrer sur le Discord FIM) pour m’avoir accompagnée durant le gros chantier des reprises structurelles des Livres 1 et 2 entamé à la toute fin de janvier 2024. Nous avons passé en revue environ 1,7 millions de signes. J’ai notamment revu en profondeur le « Jour 1 ». L’esprit de ces reprises est abordé en partie dans cet article sur la subjectivité.

La situation désormais :

  • Livre 1 – La toile de la malédiction
    • Reprise de structure ✅
    • Relecture de fond globale ✅✅ (2 relectrices)
    • Antidote 🚧 (je suis partie pour 1 à 2 chapitres par jour pendant… n’y pensons pas trop, ça va m’occuper).
  • Livre 2 – Le dévoilement des Limbes
    • Reprise de structure 🚧 (comme une courge, j’ai acheté Antidote avant de finir, et maintenant je me dis « non, mais non, finis proprement ». En sus, j’ai identifié un souci sur la fin qui me demande de réfléchir à la réaction de certains personnages, moins pour ce volume que pour la suite de l’histoire).
    • Relecture de fond globale 🍵🍵 (disons que ça a été fait sur la version où je n’étais pas soudain prise d’un doute existentiel à propos de ce temps de discussion qui pourrait être important)
    • Antidote 🛑 (en attente)
  • Livre 3 – L’emprise de l’ogre
    • Reprise de structure 🚧 (j’ai décrété que passer toutes mes soirées sur Antidote pour les deux mois qui viennent, c’était un sort trop cruel pour me l’infliger ; alors j’ai opté pour un plan B, à savoir la reprise de ce volume qui va me poser des problèmes de structure et des casses-têtes de fond, ce qui se rapproche plus de la notion de « plaisir » que la traque des répétitions)
    • Relecture de fond globale 🛑 (en attente ; en même temps, j’ai démarré les reprises lourdes hier, ça n’a rien de surprenant)
    • Antidote 🚧 (là, je corrige directement le lendemain, et c’est quand même bien moins douloureux à faire que de faire face à 30, 40, 50 chapitres d’un coup)

La subjectivité des personnages

Les première lignes du roman

Les cavernes devenaient moins brumeuses. Cela annonçait-il une proche sortie vers un monde matériel ? Il ne fallait surtout pas commettre d’erreur ! La Voyageuse cherchait depuis si longtemps à se libérer… Elle ignorait depuis combien de temps elle errait. Des années, des décennies ? Peut-être des siècles.
Ses sens étaient engourdis – encore plus qu’ailleurs. Elle se sentait enveloppée d’une tiédeur terne, sans source de chaleur. Elle voyait en grisailles, sans lumière. Réfléchir lui demandait un effort considérable. Il devenait si facile de commettre une erreur d’inattention… Autour d’elle, les vapeurs du Léthé dansaient en volutes fantomatiques. Elles masquaient le chemin qu’elle empruntait et engloutissaient les tunnels dont elle venait. Les eaux du fleuve de l’oubli suintaient partout dans la Colline Creuse ; elles devenaient un brouillard vivant qui érodait les mémoires aussi sûrement que les ruissellements sculptent les roches des cavernes.

Recherches graphiques pour les Limbes et les Cercles infernaux

Pourquoi cette structure ?

In-Existence est construit sur des chapitres prenant chacun le point de vue d’un personnage. L’idée est de chercher qui apporte la lecture la plus « intéressante » pour aider le lecteur à bien comprendre, ou au contraire le surprendre.

En commençant à écrire, je n’avais pas de vision claire sur l’angle des chapitres. Il m’est apparu lors des grandes reprises de janvier-juin 2023 qu’il était bon d’avoir une méthode et de systématiser la ligne qui me paraissait la plus forte dans le texte. J’ai donc retravaillé tout l’ensemble avec pour règle :

  • Les chapitres ont un point de vue.
  • Hormis de petites définitions de néologismes (données aussi discrètement que possible), se limiter aux intérêts et préoccupations du protagoniste.
  • Les personnages peuvent mentir (de fait, ils le font souvent), et leurs pensées ne sont qu’un instantané.

Comment a-t-il su ? Comment a-t-il pu ?

Quand j’ai commencé, j’avais assez peu de points de vue différents. Mais en essayant de creuser, je me suis rendue compte avec embarras que j’ignorais beaucoup de choses sur ma propre intrigue !

  • Qui avait allumé l’incendie et pourquoi ?
  • Eufemia Spinelli paraît furieuse, pourquoi ? Et si elle est furieuse, que fait-elle durant tout ce temps ? Quels sont ses leviers pour agir ?
  • Idem Alvise Spinelli, que se passe-t-il avant sa première apparition vers le début de soirée du jour 4 ?
  • Comment Lastôr est-il impliqué ? Comment obtient-il ses informations ?
  • … et beaucoup d’autres…

La poussière sous le tapis finit par former un gros tas

Évidemment j’aurais pu opter pour une écriture « film d’action », et tant pis pour les motivations, ou les moyens d’action. Le problème, c’est que ça me fait enrager et renoncer à regarder nombre de fiction jusqu’à la fin (ou lire des romans). Ma suspension d’incrédulité est fragile et disparaît très vite. Après, je fais avance rapide vers les 5 dernières minutes (hérésie !) ou je lis les dernières pages (horreur !), et je retourne à ma vie.

En vrai, c’est difficile et compliqué !

Je soupçonne que l’écriture de scénarios de Jeux de rôle m’a sensibilisée à ce problème. Je me suis rendue compte que rien n’était simple. Plusieurs types d’histoires m’ont posé systématiquement des problèmes.

  • Un huis-clos à suspense avec trahisons et secrets
  • Un voyage initiatique
  • Une enquête à suspense dans laquelle tout est imbriquée, avec des cliffhanger à toutes les fins de chapitre et des révélations étourdissantes
  • Des jeux d’intrigues et de pouvoir, et des luttes pour gagner de l’influence (hello Trône de fer !)
  • Sauver le monde alors que les PNJ (personnages non joueurs) ne bougent pas le petit doigt.

J’ai fait de nombreux essais, plus ou moins concluants. Les échecs sont formateurs et apprennent à ne pas s’arrêter aux fausses évidences. L’une d’entre elle serait de se dire « mes joueurs sont des courges ». Mais je me suis sentie tout aussi impuissante et faible, et en difficulté qu’eux dans les scénarios « exigeants » qu’on me soumettait : difficultés artificielles ; PNJ absurdement hostiles ; des indices qui auraient dû exister au vu des faits, mais non ; des solutions censément évidentes pour résoudre le mystère, mais pas du tout ; et toujours des failles de cohérence une fois qu’on a « la » solution.

J’en retiens que le problème n’est pas l’intelligence du joueur confronté au problème, mais la conception de l’histoire elle-même. Fort bien. Et comment faire pour résoudre mes problèmes de romans ?

Zoomer

La solution pour laquelle j’ai opté est un travail de fourmi : j’ai décidé de suivre tous les personnages dont j’avais besoin, et les suivre de près. Heure par heure ! (Heureusement que mon intrigue se déroule sur un temps court…)

Cette solution m’a donné satisfaction, car elle m’a obligée à réfléchir différemment. En voyant le monde du point de vue des antagonistes, ou de témoins, on plonge dans un monde de questions nouvelles…

  • Quelles sont les motivations du personnage ?
  • Qui sont les personnes qui comptent pour lui ?
  • Où en est-il dans sa vie ?
  • Qu’est-ce qui le rend disponible ou pas ?
  • Comment ses actes influencent ceux des autres ?
  • Comment les autres l’influencent-ils ?
  • Que comprend-il ?
  • A quoi occupent-ils leur journée ?

Et de là tout dérape. Par exemple :

  • Lastôr m’a amenée à réfléchir sur Leslie (sa conseillère en occultisme) et sur Lilyan (son garde-du-corps de longue date)
    • Réfléchir sur Leslie m’a amenée à me questionner sur son équipe rapprochée (Vanik et Marcie) et son activité au quotidien
      • Vanik s’est imposé (c’est un accident !) comme un personnage important, et ça signifie qu’il faut aussi s’interroger sur son propre cercle et ses préoccupations…
    • Lilyan m’amène à « au fait, ça marche comment au quotidien autour de Lastôr ? » et « il s’est passé quoi exactement il y a onze ans ? » , ainsi que « quelqu’un qui est là, dans l’ombre de son patron depuis tout ce temps, sait forcément des choses, mais quoi ? »
      • … et c’est là que Lena Lowell, soeur de la défunte Katherine se pointe…

Pour ne pas me laisser aller trop facilement à des biais de conception, j’ai beaucoup utilisé mes dés et mes tables aléatoires. Il faudrait que j’en améliore certaines d’ailleurs pour que ça fonctionne de manière plus satisfaisante.

Les effets directs de cette écriture

Quand on creuse la subjectivité des personnages et de leurs proches, qu’on pense « points de friction » et « motivations », il y a des conséquences :

  • Lenteur et casse-tête : vous gérez plus de complexité, donc tout est plus lent et il faut beaucoup réfléchir. Je ne m’en sors qu’en accumulant méticuleusement les notes sur des carnets. Il faut aussi compter un risque de « perte » : des données détaillées écrites pour savoir ce qui se passe, mais dont on se débarrasse finalement parce que le lecteur l’apprendra autrement qu’avec un chapitre de zoom sur ce personnage.
  • Surprises et richesse : ça, c’est le volet positif. Comme on sort de la conception en schémas narratifs, on gagne un supplément « chaos et réactions inattendues ». Les chances de surprendre le lecteur augmente. En l’occurrence, si j’en juge par les retours des deux courageuses qui ont affronté les Livre 1 et 2, cette méthode fonctionne.

En quête de subjectivité et d’ombre

La subjectivité présente des intérêts sur le plan du suspense. L’enjeu devient alors de déterminer quel personnage offrira le meilleur point de vue sur certaines scènes.

  • Un personnage jeune, naïf ou débutant pourra donner plus d’informations aux lecteurs.
  • Les personnages ne peuvent pas tous percevoir les mêmes informations sur leur environnement.
  • Des personnages mentent, et celui qui a le point de vue principal n’en voit rien, mais parfois le lecteur le sait.
  • Des personnages agissent en ignorant des informations importantes (aspect banal du suspense)

Pour toutes ces raisons, quand bien même c’est un chantier complexe et ardu, je le poursuis et je suis heureuse de pouvoir explorer ces quelques jours avec des regards différents. C’est un peu comme trouver l’infini dans un temps finalement très court !

Merci pour votre lecture ! Si vous souhaitez en savoir plus, ou apporter votre regard de relecteur de fond, n’hésitez pas à passer sur Discord ! ✨

Si la subjectivité et les zones d’ombre vous intéressent, Pierre Bayard s’est livré à un intéressant (et ludique) exercice de relecture du roman d’Agatha Christie « Ils étaient dix » (ex « Les dix petits nègres »). Dans « La vérité sur Ils étaient dix« , il joue sur les informations visibles ou non, pour proposer une alternative à ce jeu de massacre (dont la lecture m’aura traumatisée durablement, mais c’est une autre question). Ce roman est un exemple à mon sens de ce qui ne peut pas fonctionner en jeu de rôle, et qui aurait toutes les chances d’échouer si on s’attardait vraiment sur les personnages, au lieu de les guider vers la folie et les décisions suicidaires.

Aperçu de l'architecture d'In-Existence en avril 2024
L’architecture actuelle d’In-Existence

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