La relation aux défunts est fortement marquée par la culture, au point que des situations dramatiques inattendues se présentent au détour d’articles venant de l’autre bout du monde. Un article paru dans Courrier international m’a paru à ce sujet à la fois marquant et inspirant.
Cela fait longtemps que j’ébauche lentement, sans boussole, des éléments pour un cadre « asiatisant ». Je ne souhaite pas une ambiance médiévale, mon orientation est plus contemporaine, même si l’imprégnation d’aspects anciens m’intéresse. Petit à petit, le Baemon prend forme. Il est très à l’arrière-plan d’In-Existence et prend place dans l’univers FIM, dans les alentours du Regenland.
L’univers FIM
FIM (ou Fortuna Imperatrix Mundi) désigne l’ensemble de mes créations, recouvrant d’une part un univers, et d’autre part un système. Cette page vous donne les clefs pour vous familiariser avec lui.
In-Existence
In-Existence est un cycle composé de trois séries autonomes. L’ensemble emprunte aux genres des histoires de gangsters, de l’urban fantasy et de la low science-fiction. Chaque série explore un aspect d’une même crise, complexe et multifactorielle.
Toutes les citations sont tirées de : « Chine. “Mon voisin n’est pas un être vivant !” » in Courrier international n° 1756 du 27 juin au 3 juillet, d’après Fazhi Ribao du 3 avril 2024, p. 32-33.

🔷Les faits
Une anecdote dans l’article résume le phénomène et le vif malaise qu’il suscite chez nombre de voisins.
L’an dernier, Li Yun […] a déménagé […] pour raison professionnelle. Alors qu’il était tout nouveau dans la région, sans beaucoup de ressources, il a trouvé sur Internet un appartement intéressant, plutôt éloigné du centre-ville, mais bien desservi. Surtout, le loyer était moitié moins élevé que ceux des autres logements du quartier. Pensant avoir déniché la perle rare, il s’est empressé de verser un acompte. Au moment d’emménager, tout content, il s’est étonné que les gardiens le regardent d’un drôle d’air. Une fois ses affaires enfin installées, il ouvre la fenêtre pour aérer un peu la pièce. C’est là qu’il remarque que trois fenêtres de l’appartement d’en face ont été condamnées à l’aide de briques rouges. Le même jour, en sortant de l’immeuble, il surprend la conversation d’un gardien parlant dans un talkie-walkie : “Ah, ces jeunes d’aujourd’hui, ils ont du cran : habiter dans des résidences hantées par la mort, ça ne leur fait pas peur !” Tout cela trotte dans la tête de Li Yun : les fenêtres condamnées, son loyer anormalement bas… C’est louche. Après s’être renseigné, il apprend que les fenêtres sont bien celles d’un “appartement funéraire”. La tradition veut que, comme un caveau, il ne soit pas éclairé par la lumière du jour, d’où la condamnation des fenêtres. Cela explique aussi le faible prix des logements à vendre ou à louer dans la résidence. Au bout de deux jours, Li Yun décide finalement de faire ses valises et de partir : “Il faut bien l’admettre : j’ai eu la pétoche !”
Cette histoire me rappelle le point de départ d’intrigues de dramas coréens. Dans au moins deux séries, il était question d’une agente immobilière qui exorcisait des lieux hantés pour les revendre à un prix normal (donc horriblement cher).
Dans les fictions japonaise, j’ai davantage le souvenir de hantises dans des lieux abandonnés. La chute de la démographie conjuguée à l’exode rural semble condamner de nombreux villages à disparaitre, tandis que les histoires de fantômes sont ancrées dans l’imaginaire.
- Podcast France Culture sur les fantômes d’ailleurs (2021)
- Podcast France Culture sur les yokai (2023)
- … et l’étiquette « Fantôme » est associée à beaucoup de podcasts sur Radio France !
Une question d’argent et de piété filiale
Des habitants de grandes ou moyennes métropoles sont confrontés à l’importance des coûts des concessions funéraires. Ces dernières doivent en outre être renouvelées régulièrement, et auxquelles s’ajoute la participation aux charges demandées par le cimetière. Une solution pour y remédier consiste à acheter des appartements dans des villes moyennes pour y installer les urnes de toute la famille. « Les acheteurs privilégient les résidences assez éloignées, peu occupées et plutôt bon marché. Ils aménagent leur logement discrètement, sans informer les voisins directs ou indirects de sa vocation, afin d’éviter toute forme de conflit. »
Reconnaître un appartement funéraire
Certaines résidences comporteraient plusieurs [appartements funéraires] dans un même immeuble, avec parfois un étage entier consacré à ce genre de logements.
Les appartements funéraires ont plusieurs caractéristiques :
- À l’intérieur, on trouve une table avec une (ou plusieurs) urne funéraire et des offrandes.
- Les propriétaires (vivants) ne viennent qu’une fois par an, à la fête des Morts.
- Les fenêtres sont condamnées ou occultées par des rideaux occultant, qui bloquent la lumière du jour. Ils sont parfois blancs (couleur de deuil).
- « Bien souvent, les “occupants” de l’appartement ne sont pas à jour de leurs factures d’électricité, d’eau et de leurs charges de copropriété. Sur leur porte sont collés de nombreux avis de demande de paiement. »
- « Certains acquéreurs sollicitent […] les conseils d’un géomancien pour trouver le meilleur emplacement – d’où une forte concentration d’appartements funéraires dans une même résidence.
- … « des longues périodes sans entretien du logement »
- … « l’habitude de brûler du papier-monnaie et de l’encens au moment du Nouvel An est dangereuse dans un espace clos. »

🔷Une campagne à domicile
Cet article me donne des envies de « campagne à domicile », dans laquelle les aventures ont lieu dans sa propre résidence. Les personnages sont désargentés et trouvent tous à loger dans un immeuble bien équipé, en bon état, et disposant de tout ce qu’on peut souhaiter… à un détail près : un étage entier est occupé par des appartements funéraires, et il y en a encore d’autres.
Chaque personnage a un appartement, un métier (ou des études ou…), ce qui donne un petit côté « gestion de domaine » (l’appartement !). Les aventures et incidents se jouent à « domicile » et la vie personnelle est toujours à l’arrière-plan, comme un soap opera aux accents macabres. Cela me parait amusant pour le contraste des genres.
Ayant comme point commun d’habiter dans le même lieu, présumé hanté, les personnages sont confrontés à divers problèmes, souvent baroques et teintés d’horreur.
- De vrais fantômes ?
- Des amateurs de sensations fortes qui viennent chercher des fantômes (voire des démons), et sont compétents (ou tout l’inverse).
- Un escroc utilise les adresses de l’immeuble pour ses mauvais coups. Il en résulte que des membres de la pègre locale cherchent à recouvrir leurs dettes auprès des habitants (multiples malentendus).
- Un véritable vampire décide de s’installer dans un appartement occulté en passant pour un mort ?
- Les géomanciens ne s’y sont pas trompés : le site de l’immeuble est vraiment propice à certaines puissances !
- Durant la fête des Morts, les morts reviennent pour recevoir des offrandes et les ramener. Tous ne sont pas contents. Outre qu’il y a aussi le problème des morts errants.
- Des salles de jeu illégales sont cachées dans les étages réservés aux morts ?
- Des incidents durant l’affluence de la fête des morts ?
Je me rends compte que je suis sûrement aussi influencée par des dramas coréens mettant en scène des habitants d’immeubles dans des situations invraisemblables. Ici un mafieux vient emménager tandis qu’un trésor est enterré dans le sous-sol ; là on est confiné, car il y a une épidémie de zombies. Les voisins y sont des personnages secondaires, pénibles ou sympathiques, hauts en couleurs ou caricaturaux. Ce petit côté Sims (alors que je n’y ai jamais joué) me parait ludique.
Cette structure me parait pratique et comporter des aspects techniques intéressants :
- Si un joueur est absent une fois, son personnage est peut-être juste en vacances !
- Si un personnage est détestable, ou qu’il y a des tensions dans le groupes, c’est juste un conflit de voisinage ! (Abandonnera-t-on le moment venu le grincheux au serial killer monstrueux revenu des Enfers dans un « final de saison » ?)
- La réputation est un enjeu, car très vite la police (et la presse et…) se rendra compte qu’il y a sans arrêt des problèmes dans cet immeuble.
- Il est très facile de préparer des incidents ou des intermèdes ou autre en lien aux personnages et à leur interaction avec leur vie « à eux » ou le quartier. Celui-ci s’incarne de plus en plus avec des PNJ récurrents (trafiquants divers, épicier, policier, etc.). Une sorte de « Plus belle la vie » avec de la magie noire et des spectres.


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