Les sens de créatures imaginaires

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Qu’elles soient extraterrestres ou d’orientation mythologique de nombreuses créatures peuplent les univers imaginaires. En s’appuyant sur des espèces existantes et des observations tendancielles de l’évolution, on dispose d’outils appréciables. On sait ainsi quand invoquer la magie pour passer outre les lois naturelles ; ou à l’inverse quelles contraintes prendre en compte pour proposer une fiction aussi vraisemblable que possible.

Depuis les débuts de mon abonnement à Pour la Science, j’ai lu avec intérêt beaucoup d’articles sur ces questions (ci-contre des liens). Je rassemble mes notes sur les espèces dans un fichier de documentation transversale, avec en tête l’objectif de pouvoir concevoir des bestiaires plus consistants, variés et intéressants. Ci-après quelques liens vers d’autres articles centrés sur cette question du « bestiaire ».

  1. De quoi parle-t-on dans l’article ?
  2. La vue
    1. Vision nocturne
    2. Proie ou prédateur
      1. Et quand il y en a trop ?
  3. L’odorat
  4. L’équilibre
  5. L’audition et la voix

Après l’invisibilité, l’inaudibilité

L’invisibilité est le fait de ne pouvoir être vu. Certains oiseaux ont un vol véritablement inaudible. Prendre cette aptitude en compte peut être intéressant en jeu.

Pour des espèces du désert

Le moloch hérissé utilise la capillarité pour s’hydrater. Cette particularité peut inspirer d’autres créatures reptiliennes peuplant des déserts.

Le doux sommeil des vases et des méduses

Le sommeil est plein de surprises, et pas seulement à cause des rêves. Il remonte à des centaines de millions d’années et sa structure connait des aménagements étonnants selon les espèces.

Les références et citations sont tirées de : « Le monde sensoriel du tyrannosaure » in Pour la Science n°564, octobre 2024, p. 54-63.

Pour voir une présentation d’Anatomie comparée des espèces imaginaires (2019), et sa réédition (2022). Jean-Sébastien Steyer a une longue bibliographie d’articles consacré à l’analyse de créatures ou d’objets emblématiques de science-fiction. Vous pouvez y jeter un œil sur le site de Pour la Science et consulter ces archives en détail si vous êtes abonné (quelques uns sont en accès ouvert).

Hormis les citations et les images

De quoi parle-t-on dans l’article ?

L’article déclic était consacré aux études sur les crânes de dinosaures et les moyens (anatomie comparée, techniques d’imageries, etc.) disponibles pour émettre des hypothèses raisonnablement solides sur les sens de différentes espèces éteintes, dont le tyrannosaure, une star au centre de toutes les attentions.

Justement, à propos tyrannosaure…

Les données abordées sur plusieurs sens sont suffisamment générales pour pouvoir servir au-delà. Si ce sont des tendances fortes dans l’évolution terrestre, elles ne sont pas les seules possibilités. Pour des créatures extraterrestres inspirées de super poulpes, on aurait d’autres moyens d’organiser les sens, autrement que centrés sur un unique cerveau protégé par des os.

La vue

Vision nocturne

Les yeux de grande taille par rapport à la taille sont courants chez les animaux nocturnes. Ils bénéficient ainsi d’une plus grande rétine pour accueillir un plus grand nombre de photo-récepteurs sensibles à la lumière.

Les globes oculaires de nombreux animaux, y compris les poissons, certains mammifères éteints et les reptiles (dont les dinosaures non aviens et les oiseaux) possèdent […] des anneaux sclérotiques, constituées d’éléments osseux ou cartilagineux enchâssés dans la couche externe fibreuse du globe oculaire. L’os étant rigide, ces anneaux scléraux limitent les mouvement du globe oculaire, notamment l’ouverture de la pupille. Cela affecte la quantité de lumière qui atteint les photorécepteurs de la rétine. Des anneaux scléraux plus grands permettent aux pupilles de s’ouvrir plus largement, et de laisser pénétrer davantage de lumière dans l’œil.

Cet aspect-là est facile : de grands yeux vont fréquemment de pair avec la vision de nuit. Comme cette adaptation dépend directement de lois physiques (capter de la lumière dans l’environnement), le principe parait bon à utiliser y compris pour des créatures très exotiques (y compris alien).

Proie ou prédateur

Selon qu’on est une proie ou un prédateur (même à temps partiel, pour les omnivores), les yeux ne sont pas placés de la même manière. Ici je simplifie en parlant uniquement de la prédation d’autres animaux capable de bouger, car factuellement, une vache est un prédateur pour l’herbe, mais celle-ci n’est pas en mesure de fuir, ce qui limite les besoins de développement d’une stratégie d’attaque.

Les champs visuels des animaux dont les yeux sont placés sur le côté de la tête […] ne se chevauchent pas, de sorte qu’ils ne voient pas bien en trois dimensions. […] Les animaux dont les yeux sont positionnés latéralement évaluent la profondeur en regardant un objet d’un œil, en bougeant la tête et en le regardant de l’autre œil – ce qui n’est pas très discret.

Certains se rappellent peut-être d’un conseil donné dans le premier Jurassic Park (ça date !), à savoir de rester immobile pour ne pas être remarqué du tyrannosaure, qui aurait une vision basée sur le mouvement. Eh bien… probablement pas. L’état actuel de la recherche suggère plutôt une vue aussi aiguisée qu’un épervier, et cet oiseau, pour l’avoir vu chasser, me parait avoir un excellent sens de la vision (autant qu’une coordination impeccable et des serres terrifiant par rapport à l’échelle de ses proies).

Les animaux dont les yeux sont positionnés frontalement ont des champs visuels se superposant à l’avant du nez. Dans l’espace de superposition, chaque œil perçoit la même information d’un point de vue légèrement différent, produisant […] une « vision binoculaire » : la capacité de percevoir une seule image avec deux yeux. […] Le cerveau intègres ces images légèrement différentes pour produire de la profondeur visuelle. […] La vision binoculaire est particulièrement utile à un prédateur, car elle lui permet d’identifier et de cibler sa proie sans risquer de révéler sa présence en bougeant la tête.

Ici, de nouveau, c’est de la physique (de l’optique). La sélection s’opère entre « champ de vision très large mais faible appréciation de la profondeur » (proie) et « champ plus restreint, mais bonne appréciation de la profondeur » (et en option une vision à grande distance, avec un aigle capable de repérer un lapin à 800 mètres).

Et quand il y en a trop ?

On pourrait se poser des questions sur les créatures de type « shoggoth » (sur Wikipédia et sur le TOC – Trouver Objet Caché) : quelle est l’incidence d’avoir autant d’yeux qui apparaissent et disparaissent alors qu’il n’y a pas de système nerveux central ? D’ailleurs, que perçoivent vraiment ces « yeux » ? Les couleurs ? Le mouvement ? La lumière ? J’aurais tendance à chercher du côté des sens minimalistes des méduses et considérer qu’ils voient vaguement le clair / sombre, et un peu de mouvement, mais que le gros de leur perception est tactile ou olfactive.

L’odorat

L’olfaction est un sujet sur lequel je bute, et j’espère que mes notes ne comprennent pas des contresens !

Un grand bulbe olfactif est associé à un bon odorat, fréquemment utilisé pour chercher de la nourriture. L’importance de l’odorat est également associée à la présence de nombreux gènes de récepteurs olfactifs : chaque récepteur produit une unique protéine odorante-réceptrice, spécialisée pour des types spécifiques de molécules odorantes.

Pour le sujet qui nous intéresse, il s’agit surtout de considérer que « l’odorat, ça prend de la place dans le cerveau », surtout s’il doit être sensible à des molécules très différentes. Autre aspect : il ne s’agit pas uniquement d’avoir un odorat sensible (efficacité du nez, en somme) mais d’avoir la capacité à percevoir des odeurs différentes.

On pourrait ainsi imaginer que des résidus de sort laissent des odeurs et que certaines espèces peuvent les percevoir. Mais si c’est le cas, c’est nécessairement utile à leur survie. Car tous les organes, tous les sens, représentent un coût en énergie, donc un désavantage, un peu comme dans un jeu de stratégie. Plusieurs approches sont possibles, mais les plus combinaisons les plus efficaces à un coût maitrisé tendent à gagner l’objectif « survivre jusqu’à la génération suivante ».

L’équilibre

Dans la lignée qui a donné les oiseaux, la structure de l’oreille a changé : notamment, les canaux semi-circulaires se sont allongés. Cette évolution a doté les dinosaures de la faculté d’effectuer et d’interpréter des mouvements plus complexes de la tête.

Si vous prenez le temps de regarder un oiseau posé sur une branche et qu’elle est animée par un mouvement, à cause du vent par exemple, vous remarquerez vite que la tête a un mouvement distinct du reste du corps, presque comme si elle était dissociée. La tête parvient à rester pratiquement immobile alors que le le corps bouge. Inversement, quand l’oiseau cherche des insectes, la tête bouge de manière saccadée : on ne voit pratiquement pas son mouvement, seulement de micro-pauses pour étudier un objet sous un angle donné. C’est une sorte de dessin animé qui n’aurait pas d’images intermédiaires pour donner l’illusion de mouvement fluide. On saute d’une position à l’autre, avec une netteté tranchante.

Aussi, quand je lis ce détail sur les organes associés à une efficacité du vol (complet, ou même simplement plané), je me dis que voler et faire des acrobaties aériennes n’a rien d’évident ! J’en viens à songer qu’on néglige beaucoup

Il reste difficile de faire des comparaisons entre les capacités des pilotes humains (limités par les possibilités de leurs appareils) à des hirondelles ou des mésanges. Quand je vois deux pinsons des arbres s’affronter, j’ai du mal à imaginer une équivalence possible pour nous : ils sont capables de s’élever à la verticale, selon une trajectoire à double hélice, en se battant pattes contre pattes sur toute l’ascension de deux mètres, avant de rompre le contact, et partir en course-poursuite en terrain plein d’obstacles, même à leur échelle.

L’audition et la voix

Un détail m’a vraiment interpellé dans l’article, à propos des gazouillis et de la sensibilité aux aigus.

La longueur de la cochlée est corrélée à la sensibilité auditive, car elle rend possible l’allongement de la papille basilaire, la structure qui contient les cellules ciliées captant les vibrations sonores. La cochlée des oiseaux de nuit est si longue qu’elle s’enroule sous la base du crâne. Trouver une telle structure suggère une ouïe adaptée aux sons de très haute fréquence, comme ceux qu’émettent les insectes.

Les lézards et les tortues ont tendance à avoir des cochlées courtes trapues, mieux adaptées à la détection des sons graves. Les crocodiliens et les oiseaux, en revanche, ont des cochlées beaucoup plus longues et fines qui sont très performantes dans la détection des sons aigus. […]

Contrairement à la plupart des jeunes reptiles, les bébés crocodiliens gazouillent pour attirer l’attention de leurs parents. D’où l’hypothèse que les ancêtres des oiseaux et des crocodiliens devaient être capables de détecter des sons aigus afin d’entendre leurs petits plutôt que leurs compagnons ou leurs rivaux. […] Les dinosaures juvéniles attiraient peut-être ainsi l’attention de leurs parents par des gazouillis, tandis que les adultes auraient été limités à des vocalisations graves. Au cours de la transition dinosaures-oiseaux, certaines lignées auraient conservé la capacité de produire des cris aigus jusqu’à l’âge adulte.

Cela a une influence par exemple sur les dragons : s’ils élèvent leurs petits, ils devraient être sensibles aux bruits aigus ; à l’inverse, s’ils les abandonnent à leur sort, ils devraient surtout entendre les graves.

On peut aussi penser aux peuples extraterrestres. Pour développer des technologies spatiales, il faut probablement une espèce cumulant plusieurs caractéristiques.

  • Soin aux petits avec une part importante de l’acquis et de la culture. Or les animaux petits émettent plutôt des sons aigus (en tous cas s’ils ont des cordes vocales ou un mécanisme d’expression comparable avec vibration), et donc une capacité à entendre les aigus sur un spectre utile à ces soins.
  • Espèce sociale, donc une forme d’empathie, d’émotion et des questions de hiérarchie.
  • Espèce culturelle, comprendre par là la transmission d’expériences et d’apprentissages d’individus morts depuis longtemps (cela inclut aussi la transmission d’erreurs, comme les croyances erronées) ; cela implique également une influence de la culture sur la sélection des membres de l’espèce, leur accès à la reproduction, la survie jusqu’à l’âge de la reproduction d’individus ayant des mutations qui, sans aide, ne seraient pas viables.

Outre ces facteurs sur le cerveau et les organes sensoriels proches (yeux, oreilles), il y en a beaucoup d’autres affectant la taille par exemple :

  • trop grand pose des tas de soucis (transmission de l’information à l’intérieur du corps, et donc pensée, coordination, réflexes)
  • trop petit ne permet pas d’avoir beaucoup de neurones, ce qui limite l’accès à la pensée complexe
  • les grandes tailles sont utiles dans des environnements froids (conserver la chaleur), mais posent des difficultés en environnement chaud (évacuer la chaleur)

Si ces questions n’ont guère d’intérêt dans le cas d’un bestiaire « arène » (on combat une fois, on tue, on passe à la victime suivante), elles sont en revanche plus utiles dans une perspective d’interaction durable, de découverte et de relations ambivalents (ni totalement sous contrôle, ni hostile). En ayant une part logique et compréhensible dans le comportement des créatures, on ouvre leur monde et on enrichit celui des personnages joueurs de nouvelles situations et choix.

C’est toujours un plaisir de discuter ! Vous êtes bienvenus aussi bien sur le fil des commentaires que sur d’autres canaux !

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