En cette dernière semaine de calme avant le retour dans l’action pour le début 2025, j’espère que vous avez pu vous reposer, faire le point sur vos projets (de création ou personnel) et que vous êtes prêts à aller de l’avant et vous faire une belle et heureuse nouvelle année !
De mon côté, j’ai achevé les reprises sur « A2 » ou « Le dévoilement des Limbes. Ce faisant, un gros morceau est achevé, et je peux démarrer 2025 avec en vue de nouveaux défis sur « In-Existence » !
C’est aussi l’occasion de faire un point sur la question documentaire en cours d’écriture, qui a des aspects un peu acrobatiques.
📖Journal d’écriture
Le dévoilement des Limbes porte les traces du parcours d’écriture d’In-Existence.
- Automne 2022 : j’ai commencé à écrire sans savoir où j’allais, en me laissant porter, et en mettant laborieusement en place mes prises de note papier.
- Janvier 2023 : j’étais arrivée au matin du JOUR 5 avec Alvise et Lorenz, mais je me suis brutalement arrêtée pour tout reprendre du début, en ajoutant des chapitres, des développements afin d’y voir plus clair sur l’arrière-plan des événements.
- Été 2023 : après un gros travail de reprises, j’étais revenue au « présent », c’est à dire au temps des chapitres les plus avancés.
- Janvier 2024 : j’étais en fin d’après-midi du JOUR 6 avec Alvise, et de nouveau, des fragilités m’ont amenée à de grosses reprises. C’était le début du chantier de l’année avec l’autonomisation de chacun des trois grands arcs.
- Mars 2024 : bouclage de A1
- Août 2024 : bouclage de B1
- Novembre 2024 : bouclage de C1
- Décembre 2024 : bouclage de C2
Et maintenant ? Si 2025 suit le rythme passé, il est vraisemblable de voir le bouclage de deux volumes dans l’année. Je dirais bien « j’en suis à la moitié, il me reste deux ans« , mais je croyais déjà en être à la moitié en janvier 2023. Donc, j’éviterai de faire des pronostics. Je n’ai pas de pression éditoriale de bouclage, je peux donc m’offrir le luxe d’aller au bout de mon idée et d’un processus d’écriture qui se complexifie.
Quelles sont les questions à résoudre à présent ? Il y en a encore beaucoup, mais voici un aperçu de mes casse-têtes, qui commencent à me préoccuper :
- Eufemia et Geremie Spinelli : j’ai encore des soucis avec eux, car je n’ai pas l’impression de comprendre en profondeur l’organisation criminelle qu’ils dirigent. D’où vient l’argent, comment, quels sont les aspects sensibles, les failles de sécurité et les mesures prises, les forces et les faiblesses ? Je ressens un point d’alerte, mais je ne sais pas encore comment le résoudre. J’ai besoin de réponses pour clarifier les événements de la nuit du JOUR 5 à 6, et cela devient encore plus indispensable pour le JOUR 7.
- Victor : le détail de certains aspects de son action reste trouble pour moi et cela me dérange. Là aussi, il faut que je résolve ces questions pour le JOUR 7.
- Police : mais que fait la police ? C’est un peu une plaisanterie, mais dans la situation qui se délite rapidement, où chaque heure peut modifier profondément le jeu, il est impensable qu’elle ne fasse rien. J’ai commencé à y travailler en introduisant un peu plus clairement Freddie Lister, commissaire spéciale envoyée de Katawi, mais ça ne suffira bientôt plus, car les problèmes grossissent à vue d’œil.
- Politique : je n’avais pas prévu d’avoir des protagonistes dans le gouvernement du territoire du Gruverland (dont Demigo est la capitale), mais même sans Internet, il est impossible (a fortiori en période pré-électorale) qu’il n’y ait pas de débat alors qu’on apprend que des armes de guerre circulent, qu’il y a des règlements de compte et des incendies… et en prime des rumeurs selon lesquelles des spectres se baladeraient.
Je n’ai aucune idée assurée de la manière dont je m’y prendrai, mais je suis raisonnablement satisfaite des solutions que j’ai fini par trouver pour mes problèmes précédents, donc j’ai bon espoir que ça se passe « bien », comprendre : très lentement, très laborieusement, en me disant plusieurs fois « je n’y arriverai jamais« , et continuer malgré tout.
🔷Comment travailler l’absence de bouclage ?
■ À quoi sert un bouclage ?
Comme son nom l’indique, le bouclage est une période de finition : il faut rendre le manuscrit à une date, effectuer ses corrections dans les temps, relire, vérifier…
Le bouclage est un moment où il faut trancher, et généralement laisser de côté de « bonnes idées » qui arrivent tout à la fin, quand on a une vision d’ensemble, mais plus le temps ni la place dans le livre de les développer. L’effervescence émotionnelle de cette période a aussi tendance à donner l’impression que les dernières idées sont brillantes, et rend le discernement plus délicat. Il faut parfois se faire violence pour lâcher prise et se dire « non, c’est pas grave, on laisse, personne ne verra ce qu’on n’a pas mis« . Cela sans savoir bien sûr si on a raison ou tort.
L’absence de bouclage imposé a de bons et de mauvais côté (et Internet est plein de mèmes sur le sujet).
- Dans le « bon », il y a bien sûr l’absence de frustration de laisser, de ne pas reprendre.
- Dans le « mauvais »,…
- Il y a la tentation de repousser à demain, de croire qu’on a le temps, et finalement de laisser courir sur des années, au risque de ne jamais finir.
- Et puis sur un chantier long, l’auteur évolue lui aussi, il n’est plus la même personne qu’au début, et peut-être n’est-il plus totalement d’accord avec lui-même. Dans le cas d’un travail en équipe, je n’ai pas vu de groupe rester le même (implication et personnes) durant plus de trois ans.
■ Quelques expériences et questionnements
Je me rappelle ce que me disait une romancière qui avait publié son « volume 1 » d’une saga quelques années plus tôt, et qui tardait à finir son « volume 2 ». Elle peinait à trouver le temps, et elle expliquait entre autres choses qu’elle avait changé d’avis sur les personnages principaux et secondaires, sur les arcs essentiels, et qu’elle avait la tentation de tout réécrire depuis le début.
Mon expérience sur les Ombres d’Esteren m’a aussi laissé des traces. Je reste très marquée par le choc a posteriori des dates. En 2010, il existait une V1 des Secrets et une V1 de Dearg. En 2025, ni l’un ni l’autre ne sont livrés dans leur entièreté.
J’ai aussi une désagréable expérience de la reprise à froid. Les univers imaginaires impliquent d’avoir un jargon à l’esprit, et quantité de détails sur la chronologie ou les actions des personnages, des formats d’écriture technique, etc. Sitôt qu’une coupure a lieu, qu’on reprend un dossier, il faut tout réapprendre, se remettre dans le bain, s’échauffer… et tout ça est très fatiguant. Or sur un dossier très complexe, les coupures ont un effet délétère, tant sur la qualité que sur le bien-être à la réalisation.
Travailler à froid ?
Une nuance cependant : relire avec un peu de distance (à froid donc) permet de faire de la relecture de fond sur son propre texte qu’on redécouvre. Il est donc plus facile d’être critique envers soi-même que dans l’urgence.
Cependant, si j’en juge par les écrits de Sunstein, Sibony et Kahneman dans « Noise » (traduit chez Odile Jacob en 2021), un regard extérieur reste toujours plus efficace que notre propre recul. Dans ces conditions, si c’est possible, je pense qu’il faut absolument favoriser la relecture de fond par des tiers.
Par ailleurs, l’avantage de la relecture de son propre texte à froid vient surtout quand on est submergé d’urgences et qu’on perd en lucidité. C’est déjà un problème en soi d’en arriver là. J’ai le sentiment qu’il faut éviter cette surchauffe, pour privilégier plutôt la concentration et le flow / flux (état de concentration optimal).
■ Ce que j’en retiens
Les expériences, vécues directement et les enseignements du vécu de mes interlocuteurs, m’ont inspiré durablement un sentiment d’urgence. Mon premier réflexe n’est pas « c’est bon, il y a le temps » mais « non, on n’a pas le temps« . Je me rends compte que c’est désormais profondément ancré, alors qu’il y a quelques siècles, du temps du lycée ou de mes débuts à l’université, je croyais « avoir le temps » (pour les devoirs, les révisions, etc.). Au final, j’en suis à avoir un état d’esprit de bouclage pratiquement au démarrage, avec des nuances : il y a un temps d’imprégnation nécessaire sur un dossier, et durant cette période, je ne suis pas très « productive ».
En dépit de cette course face à moi-même, je fais des recherches sans cette pression pour tout FIM, et ça ne me pose pas de problème. C’est de la documentation qui servira peut-être, et je le vis comme un coureur ferait du jogging tous les jours. En y réfléchissant, à l’usage, ma pratique se divise en deux types d’action :
- Travail personnel d’échauffement, d’entrainement et de gain de compétence : chaque séquence de travail se suffit à elle-même, l’unité est l’heure, la journée ou la semaine.
- « Œuvre » personnelle : des créneaux de temps sont réservés tous les soirs, sauf épuisement, pendant deux à trois heures. Lorsque je suis confrontée à une grosse difficulté (restructuration, recherche d’une réponse à une question délicate), je me prends parfois des journées ou des demi-journées, parce que c’est nécessaire pour passer le cap. Je mets tout en œuvre pour aller le plus « vite » possible, mais sans « deadline ».
En réfléchissant à cette « absence de deadline » (date butoir, fin de bouclage), je me rends compte qu’il y a d’autres règles implicites qui structurent mon travail.
- Routine : c’est en m’astreignant à consacrer au moins deux heures chaque jours que je tiens sans me décourager ; je me concentre sur des petits objectifs, typiquement « écrire 100 lignes au moins » par soir. De préférence davantage, mais déjà ça… En pratique, vu la configuration de mon fichier (nombre de mots par ligne), ça représente dans les 5000 signes espaces compris. Ce n’est pas tout le temps possible, notamment en période de restructuration et de reprises, mais ça me donne un cap en mode « accroche toi, encore un peu, tu y es presque« . Outre la régularité, avoir des playlists dédiées, et des horaires consacrés permet un conditionnement : à l’heure venue, je me rappelle où j’en suis dans mon texte, quelles problématiques je dois résoudre, quels personnages développer… L’ensemble aide beaucoup la concentration et limite la sensation de faire un « effort ».
- Un projet à la fois : je vois, à la pratique, que je peux travailler sur un univers A durant les heures ouvrées, et un projet B personnel sur « soir et week-end ». Le fait d’avoir des horaires, des musiques, et un mode d’organisation distinct pour les deux m’aide à passer de l’un à l’autre sans épuisement ni sensation de perte de qualité (une impression très déplaisante à vivre). Pendant ce temps, je continue d’avoir des idées, et les prises de notes les nourrissent, mais je « renonce » à des développements sérieux en dehors de mes créneaux A et B. En me canalisant de la sorte, j’entretiens aussi l’envie de « finir » (ou du moins d’avancer sérieusement) sur A et B.
🔷Conclusion
Trouver un mode d’organisation convenable n’est pas évident ! Il s’agir de chercher l’efficacité en volet « personnel » (donc sans garantie de rémunération) et « professionnel » (avec des attentes fortes de tiers). Outre la pure performance (quantité et qualité en temps limité), il faut aussi ménager les forces pour tenir dans la durée, en énergie, en ressources d’idées, mais aussi en envie et en plaisir.
In-Existence est un grand chantier expérimental, c’est un peu ma « recherche fondamentale » à moi. J’avance en cherchant des réponses à des questions, sans la moindre certitude de succès, mais avec l’espoir toujours que ce projet parlera à d’autres que moi en fin de compte !
Si en lisant cet article, vous souhaitez apporter un regard sur les textes, discuter des solutions ou suggérer des pistes documentaires, n’hésitez pas à passer sur Discord !


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