N’ayant personne pour me guider dans les contrées inconnues de l’édition de romans, je procède à une enquête peu ordonnée en examinant l’activité en ligne des personnes du milieu : auteurs auto-édités, auteurs édités, lecteurs tenant des blogs littéraires, …
Ma dernière trouvaille picorée est le mot-clef #agentsguide sur Bluesky. Je viens de passer un peu de temps à essayer de comprendre de quoi il est question et je vous présente l’état actuel de ma compréhension de cette dimension des coulisses.
Sommaire

📝Journal d’écriture
■ Bientôt la fin de A3 « Le Cavalier de pique »
Il y a environ 13 mois, je reprenais tout In-Existence depuis le début. Les textes étaient répartis en trois séries autonomes (commodément désignées en A, B, C). Il me reste désormais moins de 7 chapitres du JOUR 6 en « version 1 » à revoir, restructurer ou compléter. Après ça, tout le reste sera du neuf ! 🎉🎊✨
Bonus : j’arrive aussi à la fin de « A3 » ! Après quoi j’avancerai en parallèle sur « A4 », « B2, et « C2 ». L’ensemble se rapproche de la conclusion, mais j’en ai encore pour plusieurs mois à avoir le texte complet.
- « A » est l’arc premier, et il est en fin de troisième volume ; il débute avec l’arrivée de la Voyageuse à Demigo, laquelle est le point de départ d’une perturbation surnaturelle et de problématiques en cascade.
- « B » est apparu avec le développement de Maxim Arakel Lastôr (un lointain cousin de Bruce Wayne si je force le trait, ambivalences incluses) qui est impliqué sans le savoir dans la nasse surnaturelle, et hostile au crime organisé de Demigo.
- « C » est apparu aussi avec des arcs secondaires qui méritaient d’après moi un peu plus d’attention que juste « apparaitre » et « disparaitre » par intermittence.
En travaillant les trois ensemble, ça me permet de vérifier ma cohérence interne et si je réponds bien à toutes les questions. Idéalement, de manière intéressantes, et en enrichissant le monde.
■ Pendant ce temps, dans les profondeurs de Wattpad…
Un jour, je vois quelqu’un s’abonner et donner des étoiles coup sur coup pour les deux premiers chapitres, même avec un commentaire (pas très élaboré) de satisfaction sur un passage. Je me dis « tiens, peut-être que la lumière atteint le fond de la fosse, parfois ? ». Mais par la suite, cette personne cesse de lire. Bon, tant pis.
Et de nouveau, quasi le même mode opératoire, mais en plus visible. Quatre étoiles sur les quatre premiers chapitres, incluant l’avant-propos purement technique, et en prime, les étoiles sont toutes postées à la même minute. Suspect… Alors je regarde le profil de cette personne, et là, dans les conversations (toutes publiques) je comprend. Plusieurs personnes lui ont envoyé un message « merci de t’être abonnée » et « merci pour ton commentaire » ou des variantes. Et là, elle répond systématiquement
Je t’en prie ! Tout le plaisir est pour moi ! Si tu as un moment, n’hésite pas à aller jeter un coup d’œil à mon livre « [nom de son livre] », je serais très heureuse qu’il te plaise ainsi que d’avoir ton avis sur celui-ci.
Je t’embrasse et te souhaite le meilleur.
Et je comprends un autre point commun de ces deux donneuses d’étoiles sur les premiers chapitres : elles font peu de temps après la promotion de leur nouveau livre et tentent de récolter sauvagement des lectrices !
… la fosse… certaines tentent les grands moyens pour récolter quelques vues et en sortir !
D’ailleurs a propos « étoiles » (équivalent d’un « like » sur un chapitre), j’ai fait quelques comptes. Elles représentent entre 3% et 10% de l’ensemble des vues sur un ouvrages. Je n’ai pas encore creusé pour vérifier si ces données sont prédictives de la « qualité » (terme difficile à utiliser s’il n’est pas défini).
🔷 Mot-clef : « #agentsguide »
■ Un aperçu de ces guides
Pour ce que j’ai pu en voir, ce mot-clef est utilisé par des écrivains anglophones pour présenter leurs projets d’ouvrage. J’en prends trois un peu au hasard pour illustrer le propos.
Et ici avec un zoom sur les pièces présentées, pour mieux voir :





■ Points communs identifiés
La similarité des posts suggère qu’il existe un standard, qui m’apparait pouvoir se résumer ainsi :
- « Rencontrez… » « Ici vous trouverez… »
- Ensuite une liste à puce avec un émoticône comme entrée de chaque ligne, et des lignes courtes, chacune donnant des mot-clés sur l’intrigue
- De deux à quatre diapositives léchées (slides type power point), qui contiennent….
- un tableau d’ambiance (moodboard)
- des textes dans une police d’écriture qui évoque l’ambiance, le genre
- un fond et des motifs, bref, des éléments graphiques suggérant l’ambiance
- les « tropes », et vu le texte associé, ça désigne des schémas narratifs types ou clichés (par exemple « final girl »)
- une liste de livres comparables (avec la couverture) et parfois en quelques mots pourquoi (« strong female lead » par exemple)
■ Que penser de tout ça ?
Mes réflexions en feuilletant ces présentations étaient mitigées.
D’abord, j’étais impressionnée, en mode « waouh ! je n’y arriverais jamais !« . Il y a un travail de choix de couleur, de mise en page, de choix des mots-clefs mis en avant… Or, pour travailler à définir mon travail, je mesure la difficulté (1) de s’analyser soi-même ; (2) d’être éloquente sur quelque chose qui m’est cher ; (3) d’être concise ; (4) de traduire certains mots et phrases par des images, couleurs, polices d’écriture, etc.
Ensuite, j’ai essayé de me dire « imagine que tu es agente littéraire et que tu dois juger le potentiel de l’œuvre sur cette base, peux-tu le faire ?« . Mon expérience à fouiner un peu sur Wattpad m’a montré l’efficacité de certaines autrices pour communiquer (création de leur couverture, parfois des visuels en entête de chapitre, le texte de leur accroche, les petits mots à leurs lectrices). Cela me fait penser à l’exercice des bandes annonces de films, séries, jeux vidéo. C’est un art à part entière. Mais en réalité, avec la même super présentation en quatre slide, je pense que je pourrais avoir deux livres très différents en qualité. La manière dont certains auteurs encensent leur capacité à décrire la psychologie des protagonistes me fait penser à un témoignage d’enseignante de français que j’avais lu, il y a longtemps. Elle rapportait que des élèves souhaitaient étudier « 50 nuances de Grey » en classe et appuyaient leur requête en parlant de la profondeur psychologique de l’œuvre.
Et à partir du moment où l’on commence à douter comme ça… on voit que quelque chose cloche. Les « agentsguide » indiquent surtout les compétences en matière de communication. Ils me font penser à des pages de présentation de souscription : ils captent l’attention, permettent de voir si le thème nous intéresse, mais ne suffisent pas à déterminer l’intérêt du contenu. Pour ça, dans une souscription, le mieux est encore d’avoir un extrait ou un kit de présentation du monde et des règles.
■ Peut-on évaluer la qualité ? Ou le type d’ouvrage qu’on recherche ? Et comment ?
Mon expérience dans l’enseignement m’a aussi amené à évaluer à la chaine des copies. Corriger des commentaires de textes de 5 à 9 classes de plus de trente étudiants, en un temps court, ça forme à la dure. Inspirée par un séminaire de formation de Denis Berthiaume (chercheur en pédagogie universitaire), j’avais tenté d’identifier des critères objectifs, et les avais transmis aux étudiants.
- Il y avait les critères critique éliminatoires, faisant tomber automatiquement à moins de 6/20, et si un seul entachait la copie, je n’allais pas plus loin, j’arrêtais immédiatement de lire. Typiquement : copie inachevée dans les temps.
- Ensuite les critères éliminatoires plus subtiles, par exemple : plan gravement déséquilibré, inventions de données historiques (l’équivalent d’une hallucination chez ChatGPT).
- Et après, on avait atteint 10/20, le reste c’était ce qui distinguait la copie, avec des critères de qualité par rapport à l’exercice.
Il est indéniable que sur un exercice type (commentaire de texte), il est possible de déterminer assez aisément de critères et réduire la fluctuation dans le jugement d’un écrit (selon qu’on est fatigué, agacé ou au contraire de bonne humeur).
J’avais tenté de procéder de manière comparable quand j’avais à encadrer des rédacteurs de scénarios. Le bilan est mitigé : j’arrivais à passer les textes en revue plus facilement, mais je n’ai pas l’impression que mes interlocuteurs s’en soient saisis, ni qu’ils aient toujours bien compris le sens de ces critères.
A présent, je me demande quels sont les critères implicites d’évaluation des textes (romans), sachant qu’ils peuvent varier selon l’orientation éditoriale. Passer de l’implicite à l’explicite, avec peu d’informations, c’est entre l’analyse et la divination !
En conclusion ?
Puis-je m’imaginer l’état d’esprit et le raisonnement d’un agent littéraire sans avoir discuter avec un seul d’entre eux ? Probablement pas. Je me permets néanmoins de me projeter en me demandant « si je suis agente, mon but est de placer le livre et de convaincre un éditeur d’investir en communication dessus ».
Les « agentsguide » me font l’impression de devoir faire sa communication soi-même pour que quelqu’un, ayant du réseau, puisse gagner du temps et présenter la plaquette. Ce serait un peu comme si dans un contentieux en justice, le client rédigeait les conclusions pour son avocat et qu’il ajoutait juste deux ou trois broutilles avant d’aller plaider.
Mais il y a une différence : l’avocat est payé (à l’heure ou au forfait selon les circonstances), tandis que j’ignore le mode de rémunération de l’agent littéraire. De même que j’ignore la place réelle de cet intervenant dans l’écosystème éditorial. Il reste beaucoup à déchiffrer et découvrir !
A suivre ! ✨

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