Jusqu’où s’embêter avec la cohérence ?

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Depuis globalement début 2025, je mène des recherches pour mieux connaitre le microcosme littéraire en France, depuis ceux qui écrivent pour le plaisir, jusqu’à la vente de livres. Cela passe par la question des critères de qualité des ouvrages.

La cohérence est une notion que j’ai beaucoup croisé en jeu de rôle. Elle m’a beaucoup préoccupé, et j’ai tenté d’aller le plus loin possible dans la consolidation des cadres. Toutes les questions biscornues qu’on se pose (d’où vient l’oxygène quand je vis à 500m sous la surface ? et l’eau ? quelle est la température et pourquoi ?) amènent des réponses uniques. Ce faisant elles participent au développement d’un univers original et surprenant.

Cet article questionne la portée de la cohérence, en jeu de rôle, mais surtout en roman.

📝Journal d’écriture

■ Les mitoses du blob…

Le roman In-Existence est-il un blob ? La question pourrait se poser quand je regarde l’évolution du nombre de séries. Car oui, il y a désormais un « D ». Pourquoi ? Comment ? Que s’est-il passé ? Je peux tout expliquer !

Pour A (La toile de la malédiction) et B (L’emprise de l’ogre), rien à dire : ils sont stables depuis bien un an. En revanche « C » rassemblait Jul et Minette. Seulement voilà, en écrivant, je me suis rendu compte que les aventures de Minette et Idra constituaient une bonne unité dramatique, solide, avec un ton propre, des révélations spécifiques… et que Jul n’avait rien à faire là. Cela m’embêtait beaucoup, car j’estime que Jul est un bon personnage (et mes primo-lectrices semblent d’accord avec moi). Or Jul sort de la série A à la fin du JOUR 4, avec de quoi s’occuper.

J’ai fait un test : mettre Jul et Mel Malchaï ensemble, dès le JOUR 1. Cela aurait impliqué de réécrire une grosse poignée de chapitres dans A1 pour sortir les chapitres qui suivaient leur point de vue. Pour voir si ça tenait la route, j’ai retourné l’option dans tous les sens, et j’ai introduit un nouveau personnage-point de vue : Pépin Tadacs. Il présentait le gros intérêt pour moi de permettre la mise en lumière des coulisses politiques. Si les Spinelli tiennent les ombres depuis si longtemps, ça ne pouvait pas se faire sans aucune conséquence. Mais encore ? En tournant et retournant, j’ai tenté un chapitre, du moins un V0.1 en JOUR 1. Puis j’ai encore réfléchi en étudiant le JOUR 1 sur A1. Sur le plan du sens, des informations à transmettre au lecteur, on perdait beaucoup à sortir Jul et Mel. Donc quoi ? Retour dans l’impasse ?

J’ai fait le deuil de l’autonomie complète de « D ». Le premier chapitre de cette quatrième (😱) série présente l’essentiel pour se rafraichir la mémoire, mais c’est une suite. Il y a donc deux suite à A1. Voilà. Ce n’est pas très orthodoxe, mais la structure globale de cette histoire l’est-elle ?

  • Première lecture : A1 ou B1 ou C1
  • Après A1 : A2 ou D1 (ou B1 ou C1)

Pour que tout retombe correctement, j’ai approximativement 20 lignes ciblées à changer dans A1. Cette mitose me permet : (1) de suivre Jul de manière plus intéressante ; (2) donner l’ampleur souhaitée depuis le début au dossier de Mel ; (3) travailler aux coulisses d’un milieu pas encore exploré et qui aura des conséquences importantes en JOUR 7+

Série ASérie BSérie CSérie D
JOUR 1✅ (A1)✅ (B1)❌N.A.❌N.A.
JOUR 2✅ (A1)✅ (B1)❌N.A.❌N.A.
JOUR 3✅ (A1)✅ (B1)❌N.A.❌N.A.
JOUR 4✅ (A1+A2)✅ (B1)✅ (C1)🚧 (D1)
JOUR 5✅ (A2+ A3)✅ (B1)✅ (C1)🚧 (D1)
JOUR 6🚧(A3✔+A4)🚧 (B1✔+B2)🚧 (C1)🚧 (D1)
JOUR 7🚧(A4)🚧 (B2)🚧 (C1)🚧 (D1)

J’ai renoncé à l’autonomie complète de « D ». Le premier chapitre de cette quatrième (😱) série présente l’essentiel pour se rafraichir la mémoire, mais c’est une suite. Il y a donc deux suite à A1. Voilà. Ce n’est pas très orthodoxe, mais la structure globale de cette histoire l’est-elle ?

  • Première lecture : A1 ou B1 ou C1
  • Après A1 : A2 ou D1 (ou B1 ou C1)

Pour que tout retombe correctement, j’ai approximativement 20 lignes à changer dans A1. Ce n’est pas beaucoup au final, mais leurs conséquences sont évidemment sensibles. Donc… en avant pour les retouches chirurgicales… dans un souci de cohérence (le thème de l’article !). Cette mitose me permet: (1) de suivre Jul de manière plus intéressante ; (2) donner l’ampleur souhaitée depuis le début au dossier de Mel ; (3) travailler aux coulisses d’un milieu pas encore exploré et qui aura une influence.

Série ASérie BSérie CSérie D
JOUR 1✅ (A1)✅ (B1)❌N.A.❌N.A.
JOUR 2✅ (A1)✅ (B1)❌N.A.❌N.A.
JOUR 3✅ (A1)✅ (B1)❌N.A.❌N.A.
JOUR 4✅ (A1+A2)✅ (B1)✅ (C1)🚧 (D1)
JOUR 5✅ (A2+ A3)✅ (B1)✅ (C1)🚧 (D1)
JOUR 6🚧(A3✔+A4)🚧 (B1✔+B2)🚧 (C1)🚧 (D1)
JOUR 7🚧(A4)🚧 (B2)🚧 (C1)🚧 (D1)

■ Pendant ce temps, dans les profondeurs de Wattpad…

Toujours dans la fosse, mais je furète et explore ! Il y a quelques communautés d’auteurs, qui proposent des modalités différentes de relectures. « Waidepad » s’est éteint, par épuisement des administratrices ; WattElse est une nouvelle incarnation toute fraiche qui se propose de reprendre le flambeau. « Entre Auteurs » est plus ancien et créé par S.C. Boyer. Cette autrice a depuis été éditée et sa saga est en cours de publication. D’après les critiques que je lis sur Babelio, c’est comparable à Trône de fer en tant que roman choral, médiéval fantastique, entre politique et guerre.

En l’état de ce que je comprends, les modalités de relecture ne m’aideraient pas beaucoup. Je ne cherche pas d’appréciation générale, ni de masses de retours encourageants sur les cinq premiers chapitres de « La toile de la malédiction » (A1). J’ai surtout besoin de vérifier que mes chapitres n’ont pas de temps mort (clair, fluide), que leur succession est efficace, que les ouvrages autonomes le sont vraiment. Mais pour répondre à ces questions, il faut probablement lire quelques millions (oui, on en est là) de signes.

En conséquence, je cherche plutôt à affiner mon regard et améliorer mes compétences pour aboutir à un ensemble de textes cohérents, avec quatre (désormais) séries dotées chacune d’une saveur spécifique.

🔷 La cohérence en jeu de rôle

Les univers de jeu de rôle s’appuient sur des postulats de base, et tout ce qui est créé doit être cohérent avec ces éléments préexistants. La cohérence est « harmonie, rapport logique, absence de contradiction dans l’enchaînement des parties de ce tout. »

📍 Si vous ne connaissez pas, le CNRTL (Centre National des Ressources Textuelles et Linguistiques) est un très bon outil, avec étymologies, dictionnaires médiévaux, synonymes, etc.

La cohérence est fondamentale. Elle permet en particulier :

Les incohérence en jeu de rôle induisent l’érosion du sentiment d’autonomie (pouvoir choisir, agir sur le monde) et d’émerveillement. L’effet est plus ou moins marqué selon les sujets. Pour repérer une incohérence, il faut…

D’une certaine façon, le joueur (ou lecteur ou spectateur) est « puni » de son intérêt actif pour une œuvre en découvrant ses failles, qui peuvent le décevoir et gâcher son plaisir. L’expérience joue aussi beaucoup, car elle apprend à repérer des schémas narratifs, et ceux-ci réduisent le sentiment de surprise, donc rendent disponibles pour repérer les failles structurelles.

🔷 Et en roman ?

J’ai jeté un œil à quelques vidéos qui traitent justement de cette question. La première liste les types d’incohérences, et la seconde traite des clichés. A priori, on pourrait se demander pourquoi je mentionne la question du cliché dans un article sur les incohérences (est-ce justement une incohérence ?).

Parmi les liens sous la vidéo (quand on regarde sur YouTube) figurent des ressources et références, des articles blogs ou d’autres podcasts. J’ai fouiné dans le sous-sol de la vidéo sur les clichés pour arriver à une série d’article sur le problème des « Mary Sue ». Comprendre par là, très sommairement, un personnage anormalement puissant et écrasant la narration (« cheaté et dopé au scénarium » pour détourner une remarque lue).

■Des Mary Sue favorisées par le parcours éditorial

La série d’article de Culturina sur Mary Sue m’a particulièrement intéressée dans son étude de l’histoire éditoriale des personnages concernés. Car la « Mary Sue » apparait souvent progressivement. Au début, le protagoniste est juste un « héros » avec quelques caractéristiques qui le distinguent, comme tout personnage principal en substance.

Avec le succès, de nouveaux livres (films, saisons de série, comics, etc.) sont commandés, alors que l’auteur n’a pas de scénario. Les lecteurs (ou l’auteur ou le producteur) sont avant tout attachés à un personnage qui est perçu comme le seul élément fort de l’histoire. Au lieu de développer l’univers, et donc de nouveaux personnages qui rendent de nouvelles situations possibles, l’histoire reste focalisée sur le personnage principal initial. Pour parvenir à susciter malgré tout des émotions, il faut en passer par la surenchère : plus méchant, plus puissant, plus rare. Dit autrement : davantage d’effets spéciaux, de cadeaux, de drames… Tout passe par l’hyperbole.

Soit en bref :

Bonus : l’auteur refuse parfois les critiques, soit qu’elles sont considérées comme injustifiées soit « parce qu’on ne peut pas plaire à tout le monde ».

Le phénomène décrit dans l’article comme étant du « Mary Sue » comporte à mon sens une dimension relative à la cohérence. Emporté dans le flot, la masse, l’émotion, le stress (ou autre), l’auteur a perdu toute mesure et/ou capacité à se renouveler.

■Un parallèle avec la dégradation des suppléments en JdR

Ce problème me parait assez similaire à celui de gammes de jeu de rôle dans lesquelles on a un livre de base (et parfois quelques suppléments) d’un même auteur (ou d’une équipe resserrée), puis la suite est confiée (1) à d’autres auteurs (donc une autre vision), (2) qui n’ont pas forcément lu tous les écrits existants (stress de la deadline, paiement au signage), (3) qui sont pressés (stress de la deadline, paiement au signage de nouveau), (4) ou forcés de devoir développer beaucoup un aspect anecdotique (un sous-clan, un objet magique, une classe…) alors que l’univers n’est pas assez creusé pour qu’il y ait naturellement de la matière, et par conséquent ils délayent la sauce.

■ Le lien entre cohérence et développement de l’univers

Résultat pour les séries de livre comme pour les suppléments de jeu de rôle : la qualité se dégrade de manière prévisible. Et le cœur du problème vient d’une faiblesse dans la cohérence couplée à une insuffisance du développement en profondeur de l’univers.

🔷Les incohérences n’empêchent pas le succès : faut-il les ignorer ?

Des failles de cohérence apparaissent aussi dans des ouvrages uniques, des romans à succès, qui ne sont même pas déplaisants à lire. Cela m’est récemment arrivé avec Mickey7 d’Edward Ashton (Bragelonne, traduit 2022). L’ouvrage a été adapté en film sous le nom Mickey17 (et je pense savoir pourquoi ils en ont ajouté 10).

Avant de développer, je tiens à préciser que j’ai bien aimé le livre, qu’il se lit bien, qu’il a un point de départ intriguant, qu’il dégage un peu le « sense of wonder » de la science-fiction des années 1960, qu’il use de second degré et d’humour en même temps qu’il présente des aspects de critique sociale et politique.

■ Qu’est-ce qui cloche ?

Le matériel transporté

Donc le message est le même (sensiblement) dans les deux cas, mais on a quand même transporté plusieurs tonnes de matériel de sport inutile. On pourrait se dire « OK, en fait, c’est délibérément absurde et ça montre à quel point le chef est vraiment bête ». Sauf que… tous les membres d’équipage ont été privés de leurs effets personnels et sauvegardes, et que tous constatent forcément qu’il y a une salle qui ne sert pas du tout. Mais personne ne formule la moindre remarque.

Les « natalistes »

On nous explique très longuement que la participation à la mission de colonisation était un privilège extrême, que tout le monde a été sélectionné avec le plus grand soin…

A quel moment est-il rationnel de choisir comme chef (à vie) d’une expédition horriblement coûteuse un homme qui considère l’un de ses outils les plus déterminants comme une monstruosité et une souillure abjecte ?

■ Et l’adaptation en film ?

J’ai encore un ou deux soucis en tête sur l’intrigue, notamment une anecdote historique de colonisation avec des clones d’un psychopathe individualistes et brillants qui sont tous d’accord pour servir aveuglément le premier psychopathe (et n’envisagent jamais de le remplacer, et de toute façon, leur plan est assez vide en fait…). Il y a d’autres bizarreries qui me viennent en écrivant… bref…

Mais le film alors ? Je ne peux pas bien en juger, car je ne l’ai pas vu. J’ai en revanche jeté un œil au synopsis sur Wikipédia. J’étais très curieuse de connaitre les changements par rapport au roman, car s’il a des particularités porteuses (développement du cadre, de la diaspora galactique, des planètes), il présente à mon sens des caractéristiques problématiques dans un film.

En conclusion ?

Mon constat serait :

  • Si on écrit une œuvre qui n’est lue qu’une fois et vite (roman d’action, humour et SF, etc.) : il faut être cohérent avec la scène immédiatement précédente et immédiatement suivante ; en revanche, le succès n’est pas compromis en cas d’incohérences ailleurs, du moment que l’ambiance (l’émotion) transmise est cohérente
  • Si on écrit une œuvre qui sera lue deux fois ou lentement : la cohérence doit être prise en compte sérieusement, car chaque minute qu’on passe à reparler du livre, on trouve (ou cherche) d’autres failles, et le souvenir positif de la première impression décroît de plus en plus.

Une bonne idée, un concept marquant, et un style enlevé peuvent suffire à vendre en sept langues en plus d’avoir une adaptation au cinéma. Je pense quand même que ça vaut la peine de retravailler la cohérence. Ne serait-ce que pour pouvoir relire avec plaisir, et pas juste essayer d’oublier toutes les faiblesses pour se rappeler uniquement les bons moments.

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