Ces derniers temps, j’ai passé beaucoup de temps à chercher des informations sur les coulisses du monde éditorial côté « roman », pour les appréhender au regard de celles du jeu de rôle. C’est une investigation sur le long terme, qui va des communautés d’écrivains jusqu’au bout de la chaine de publication. Je prends des notes, et quand j’atteins une masse critique de données qui me paraissent pertinentes, j’ai de la matière pour un article. J’espère qu’ils vous seront utiles, que vous soyez simple curieux des coulisses de création, ou que vous cherchiez à aller plus vite dans vos propres recherche !
Cet article questionne s’intéresse à la notion de fiche de personnage (en roman) et l’aborde au regard de l’écriture de jeu de rôle.
Sommaire

📝Journal d’écriture
■ Où en est ce casse-tête de « D » ?
La série « D » (nom de travail « Dénouer la nasse ») accompagne désormais Jul et Pépin Tadacs comme principaux protagonistes, et globalement dans des camps opposés. Puisque Jul existe depuis plus longtemps, le réflexe est sans doute de considérer Pépin comme le premier antagoniste. Quand j’écris ça et que je visualise le personnage, j’ai un peu de mal ! Il débute quand même l’histoire planqué dans un placard !
Jul est vraiment le personnage qui m’aura (jusqu’à présent) donné le plus de fil à retordre pour ses aventures. Je suis sur des réécritures en profondeur, en ne gardant parfois que 20 lignes sur 150 ou 200 dans un chapitre. J’ai tout de même l’impression que le résultat est plus efficace et intéressant, et j’espère que c’est le cas dans la réalité !
Comme toujours, si vous avez du temps, de l’énergie et l’envie, vous êtes bienvenus en relecture ! Même un retour comme « je m’ennuie » / « je ne m’ennuie pas » / « tel paragraphe dissone avec le reste » m’est utile.
Le JOUR 4 est presque fini (à nouveau), avec 8 chapitres achevés sur 10. Bien sûr, je ne sais pas exactement où je vais pour le JOUR 5 en ce qui concerne Pépin, mais… un problème à la fois ! Et ci-après un aperçu de carnet de notes dans lequel j’essaie de résoudre des problèmes relatifs aux dossiers de Mel Malchaï.

Ah ! Mel ! Elle aussi, ça fait un moment qu’elle m’occupe ! Je viens de vérifier mes archives. Le 23 février 2024, il était question de Mel Malchaï et de la complexification de l’intrigue entre la première esquisse et les reprises. Si vous y jetez un œil, vous verrez l’augmentation du nombre de chapitres et de points de vue. Le 24 mai 2024, je faisais un bilan sur les retours de fond de Moïra, et l’un des points abordés était le casse-tête que représentait Mel.
■ Pendant ce temps, dans les profondeurs de Wattpad…
Toujours dans les profondeurs de l’anonymat si vous vous demandiez ! Je vous signalerai si ça change !
J’ai profité de mes explorations et relectures sur quelques chapitres, ici et là, pour alimenter mon fichier sur les critères de relecture. D’ailleurs, le présent article en est un extrait. Je cherche à comprendre ce qui me dérange, ce qui m’interpelle, et j’essaie d’expliciter ces aspects pour pouvoir communiquer avec un autre humain. Le but est aussi d’être plus au clair avec ce que je vise, pour pouvoir me relire moi-même plus efficacement.
■ Pendant ce temps, dans les profondeurs d’Inkitt…
J’ai vu le lien, j’ai suivi la lumière, et j’ai commencé à regarder pour me faire une idée. Première impression : l’ergonomie est bien meilleure pour publier. C’est sans comparaison, tant c’est plus facile et plus confortable ! Du côté des bémols, la page des « statistiques » est en revanche plus anxiogène, car elle indique les scores de lecture des trois autrices les plus lues, et forcément, à côté, être à zéro devient un peu plus désagréable.
Afin de tester le fonctionnement, j’ai posté le début de « C » alias « Le puits des âmes » (lien en début d’article).
■ Et qu’est-ce donc que Fyctia ?
La plateforme d’écriture Fyctia a été pensée pour être un vivier d’autrices (et d’auteurs) par l’intermédiaire de concours. Les participantes répondent à un thème et doivent trouver des lecteurs pour pouvoir publier la suite d’un texte. Il y a donc une sélection à l’affluence.
Je viens de voir les précisions à propos d’un concours qui tourne actuellement : « Le ou la gagnante de ce concours verra son roman publié dans la collection Hugo New Romance, en format poche, aux côtés des romances de Noël de la French team Hugo en octobre 2026 ! » . C’est tout à fait explicite.
Le site met en avant les « publiés grâce à fyctia ». Outre les pages concours, le fonctionnement est précisé dans les pages techniques (mode d’emploi, mentions légales). Fyctia appartient à Hugo Digital, qui est liée à Hugo Publishing, spécialisée en romance, et racheté en 2021 par Glénat.
Vu les genres publiés, je ne suis pas concernée, mais la démarche est intéressante. C’est une sorte de super comité de lecture public. Si je comprends bien, l’éditeur n’a plus ensuite qu’à se pencher sur une poignée de finalistes. Bien sûr il y a le travail autour de la gestion de la plateforme, mais une fois rodé, j’imagine que ce n’est pas trop lourd, et que ça tient de la routine.
🔷 Les fiches personnages
■ Sources examinées
L’usage de la fiche personnage est recommandé en écriture de roman pour (1) approfondir le personnage et (2) éviter de se contredire.
D’après les anecdotes de bêta lecture et de comité de lecture, les contradictions et incohérences (allant jusqu’au changement de prénom sans crier garde) sont fréquentes (!).
Il est recommandé de pouvoir répondre à des dizaines de questions, qui m’ont parues assez décourageantes quand je les ai examinées. Pourtant, sur le papier, la fiche de personnage est un outil important pour travailler sérieusement.
■ Mais je faisais comment avant ?
Au moment où je mène cette recherche pour voir ce qui est recommandé en roman, mon bagage peut être ainsi résumé :
- Sur In-Existence : une vingtaine de point de vue sur les séries, à quoi ajouter tous les autres personnages
- Trois romans (ça date, mais ça existe) non publiés
- Et en jeu de rôle, mes PNJ (scénarios, campagnes, ou personnages censément inspirants dans l’univers) ont dépassé la centaine depuis un bon moment.
J’ai bien rencontré des difficultés, mais elles sont différentes de celles que je vois dans les témoignages :
- Créer plus vite des personnages très variés pour les Encyclopédies de la gamme Dragons. J’ai développé à l’époque des tables aléatoires dont je croisais les résultats. Elles entremêlaient des aspects du genre de fantasy dominant dans la région, des aspects de personnalité et des dynamiques dramatiques.
- Réduire le risque de me répéter avec mes tics d’écriture ou mes préférences (ou préjugés). C’était une des raisons pour laquelle j’avais développé les tables pour les Encyclopédies. Sur In-Existence, j’avais ce souci, mais je voulais aussi éviter de développer uniquement des personnages qui me plaisent et vers lesquels j’irai spontanément.
- Arbitrer entre cliché et inclusivité. Pour clarifier ce point, je prends l’exemple d’In-Existence, qui emprunte aux histoires de gangsters. Dans ce genre, les rôles sont très clairs, prévisibles et attendus. Même moi, j’ai de l’affection pour eux, sinon je n’écrirais pas cette histoire et cet univers. Cependant, c’est aussi justement un genre chargé de clichés qui ne correspondent d’ailleurs pas à ce que je veux raconter. Que faire ? Si je pense à un détective maussade dans son bureau, est-ce que j’en fais trop ? Dois-je en faire une femme joyeuse « juste » pour casser le cliché ? Dès que je me pose ce genre de questions, j’ai mal à la tête, et ça me freine. Donc je tire aux dés. Parfois le résultat est un pur cliché, parfois pas du tout ; souvent, c’est quelque part entre les deux. Le hasard m’apporte la paix de l’âme sur les questions de représentation.
■ Pourquoi je bloque sur les fiches proposées ?
Cela vient possiblement de l’approche de l’écriture. Je ne fais pas de vrais plans, j’écris des problèmes sans connaitre leur solution, et ensuite je passe des heures à chercher qui est coupable et pourquoi, en éliminant toutes les options qui ne m’emballent pas. Mon cheminement pour les personnages est approximativement :
- Sauf si j’ai vraiment une image très claire dans mon esprit, je tire aux dés le sexe, l’âge, et les éléments de la personnalités (en gros des familles de traits de caractères). Un « feu harmonique » pourra être sportif, courageux, optimiste, extraverti… ensuite je combine avec par exemple « Ombre dissonant » et de suite, on va vers un profil très énergique, sombre, plutonien… Je travaille avec des symboles et des métaphores, des abstractions que je combine comme des saveurs ou des couleurs. Le personnage en dérive par association d’idées.
- Si je n’ai pas directement de dynamiques dramatiques à cause du moment où j’ai besoin du personnage dans l’histoire, ou si je n’ai pas d’illumination dès le début de sa création, j’enchaine avec d’autres tirages : motivations, attachements, famille, sombres secrets… Je ne les tire pas dans l’ordre, ni tous systématiquement.
- Je continue jusqu’à ce que j’ai une personne assez claire dans mon esprit.
- Je l’introduis dans l’histoire.
- Souvent les autres aspects (famille, loisirs, compétences) apparaissent naturellement au fil de l’écriture, et sinon, si je vois que j’en ai besoin pour densifier, réagir par rapport à un dialogue, je ressors les rames (et les dés, ou juste l’esprit déductif pour boucher les trous).
- En cas de besoin, je reprends tous les manuscrits en arrière, et je glisse une phrase ici ou là pour faire comme si ça avait toujours été là (et prévu).
En substance, mon problème : j’estime que mes meilleures idées sont arrivées tardivement, une fois que j’étais vraiment dans l’ouvrage.
🔷 Les catégories qui m’ont été utiles
J’ai développé des outils pour m’aider à créer des personnages en réponse aux problématiques que je rencontrais. Je me rends compte en les examinant dans le cadre de la rédaction de cet article qu’ils ont aussi été conçus pour dialoguer avec mes joueurs. J’ai passé beaucoup de temps à essayer de comprendre leurs personnages pour créer des intrigues sur mesure, et ce n’était pas toujours évident. Autant pour certains, c’était transparent et simple, autant pour d’autres, j’ai enchainé d’innombrables discussions, sans jamais avoir la sensation « eurêka, j’ai compris ».
Ce qui suit est une adaptation de mes outils de jeu de rôle aux aspects mis en avant dans la conception de personnages de roman. En encadré « Relecture » figurent des points pressentis pour être à destination des relecteurs, et donc aussi moi, lorsque j’examine mon travail en faisant un pas de côté.
■Dynamiques
Les dynamiques rassemblent ce qui poussent le personnage à agir. Il faut au minimum une dimension pour avoir une raison d’agir et de se sentir impliqué. Faute de motivation, un personnage devrait rester à l’écart des problèmes, ou abandonner dès leur apparition.
Mystères du passé
L’intrigue sert souvent à en apprendre plus sur un personnage qui se révèle peu à peu, en fonction des situations qu’il affronte.
Relecture
- Si mystère sur le passé (famille, origine, sombre secret, etc.) il y a, il est intégré à l’intrigue et l’accompagne harmonieusement, en participant au développement de la tension dramatique.
- Le comportement du personnage (habillement, routine, etc.) traduit son parcours.
Relations humaines
Les relations sont positives (amours, amitiés), ambivalentes ou négatives (haine, ressentiment, vengeance, dette à rembourser, etc.). Leur place dans l’intrigue dépend de l’importance de ladite relation et du type d’histoire.
Dans une romance, l’altérité amoureuse sera centrale ; dans une histoire de vengeance, l’ennemi haï est fondamental.
Relecture
- Le personnage agit de manière cohérente par rapport à son insertion sociale : souci de sa famille, des conséquences de ses actions, peur de l’impact sur sa carrière, etc.
- Le personnage agit de manière cohérente par rapport à ses attachements : souffrance émotionnelle, colère, fierté, etc.
- Si des relations sont mises en avant, elles sont intégrées harmonieusement à l’intrigue (soutien du développement et de la tension dramatique).
Ambitions et aspirations
Le personnage a des convictions abstraites, des valeurs ou des ambitions.
Relecture
- D’où viennent ces ambitions et ces aspirations ?
- Les aspirations colorent la manière dont le personnage résout (ou tente de résoudre) un problème.
- Les aspirations ont une incidence sur les attitudes et le parcours de vie.
- Si les aspirations sont contradictoires avec une autre dimension (dissonance par exemple), l’intrigue en tient compte et s’y attarde.
■Modalités d’action
Les modalités s’intéressent au style du personnage, à la manière dont il agit, sa stratégie ou ses errements.
Dissonances (ou comment se saboter)
Le personnage évolue au cours de l’histoire. Les dissonances représentent des doutes, des tensions, des émotions négatives, des troubles mentaux, des dilemmes, etc.
Relecture
- D’où viennent ces dissonances ?
- Les dissonances colorent la manière dont le personnage résout (ou tente de résoudre) un problème
- Les autres personnages réagissent aux dissonances : ils tentent d’aider, se plaignent, s’éloignent ou les utilisent.
- Les dissonances ont une incidence sur les attitudes, la routine, l’équipement et le parcours de vie.
- Si les dissonances sont contradictoires avec une autre dimension (insertion sociale par exemple), l’intrigue en tient compte et s’y attarde.
Stratégie et méthodes
Les compétences, les ressources et les convictions orientent les méthodes pour résoudre un problème. Si plusieurs options sont disponibles, pourquoi le personnage opte-il pour l’une plutôt que l’autre ?
- Compétences : capacités, savoir-faire, connaissances… Pour agir selon certaines modalités, il faut savoir que c’est possible, et en être capable.
- Ressources : santé mentale, santé physique, argent, réseau, alliés, statut social, pouvoirs magiques… Si on manque d’une ressource, certaines options sont tout simplement inenvisageables, et il faut chercher des stratégies indirectes ou plus complexes.
- Conviction : l’éthique, le sens de l’honneur et la religion orientent les décisions et poussent à éliminer des stratégies ; parfois elles incitent à agir en dépit d’autres intérêts qui pourraient paraitre évident.
Limites et manques
Aucun personnage ne peut cumuler toutes les ressources, compétences et compétences, ne serait-ce que parce que certaines sont mutuellement exclusives. Il est utile de cerner ce qu’un personnage ne peut pas faire, quelles sont ses limites.
Les manques permettent de mettre le personnage en difficulté, de le sortir de sa zone de confort. La situation le pousse à agir, à changer, ou à demander de l’aide à d’autres.
Par ailleurs, il est possible de perdre en potentiel temporairement ou définitivement : ruiné, blessé, affecté émotionnellement, etc. Toutes ces difficultés constituent un vivier à rebondissement, et obligent à chercher de nouvelles stratégies pour atteindre ses objectifs.
Relecture
- On comprend clairement ce qu’un personnage peut faire, les moyens dont il dispose ; et au contraire, ce qu’il ne peut pas faire.
- Si les potentialités d’un personnage évoluent, ce changement apparait comme logique et justifié.
■ L’arc narratif : du début à la fin
La morale de l’histoire
Le récit a un sens, même s’il est implicite. Optimiste, pessimiste ou nuancé, il s’exprime à travers la transformation des personnages. Par conséquent, il est utile d’expliciter la « morale de l’histoire ».
Relecture
- L’évolution des personnages est-elle cohérente avec le sens visé ?
- Si aucun sens n’est indiqué par l’auteur, quelle leçon ou conclusion le lecteur retire-t-il ?
L’évolution du personnage
Entre le commencement de l’histoire et la fin, le personnage a changé sur le plan émotionnel, psychologique, physique, existentiel… Le lecteur accompagne le personnage et comprend sont évolution.
Relecture
- Identifie-t-on clairement le point de départ et d’arrivée du personnage ?
- Le changement du personnage est-il justifié ?
- Les émotions du personnage sont-elles compréhensibles ?
- L’évolution est-elle cohérente, équilibrée et intéressante par rapport au reste de l’intrigue ?
En conclusion ?
J’ai effectué au final peu de changements pour passer des mes aides de jeu à ma synthèse sur la structure des personnages de roman. Mon expérience en jeu de rôle m’a vraiment orientée vers les « ressources », qui me paraissent moins nettement identifiées du côté « roman ».
En pensant le personnage comme un « PJ » (personnage joueur), on songe rapidement à « comment le mettre en difficulté ? », et les réflexes de meneur viennent vite : « s’il a des objets magiques, il faut lui prendre« , « s’il est riche, il faut qu’il dépense« , « s’il a des sorts, hop la zone de magie morte« , etc. Bon, dis comme ça, il y a un côté « MJ sadique », mais si on doit assurer des rebondissements sur la durée, c’est tout de même utile d’éplucher une fiche de personnage en pensant à toutes les situations difficiles qu’on discerne en creux.
Je me demande aussi si cette attitude ne permettrait pas de penser les dynamiques de groupe ou l’identification d’un Gros Bill (ou Mary Sue, pour nommer une autre figure mythique).
Tout n’est pas à reprendre et retranscrire tel quel. Certaines réactions de joueurs sont juste faites pour rigoler autour de la table et n’ont aucun sens dans une histoire un peu sérieuse, avec un brin de cohérence des personnages. Par ailleurs, les systèmes de jeu produisent des anomalies dès qu’on essaie de traduire en récit romanesque une scène avec jets de dés et utilisation de pouvoirs. Le séquençage en round ordonné des combats n’est pas adapté non plus.
En substance : je continue de réfléchir, comparer, mettre en perspective, et étoffer mes outils de création.
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Édition : en fait, j’écris bien des données sur mes personnages, pour les préparer, parfois sur une double-page de carnet pour retrouver les trucs dont je dois me souvenir. C’est sur le volet « questionnaire » systématique que je bloque, parce qu’il me fait penser à un fichier de l’administration, là où j’ai besoin d’associations d’idées et d’images.
A suivre ! ✨

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