Cet article s’inscrit dans la série visant à comprendre les structures de voyages dans le temps pour créer de nouvelles histoires.
En prenant des notes à partir d’articles traitant de physique quantique, je me suis demandé comment ces concepts pourraient servir pour créer des situations dramatiques ou des sorts manipulant le temps.
Je vous propose un dispositif d’effacement d’un événement par la réduction d’entropie associée.
📖Quelques articles sur des questions de création
Références : les articles sur le temps mêlent des synthèses issues de toutes mes lectures et visionnages de fiction, entremêlées d’analyses et de propositions pour donner plus de consistance à certains modèles qui me paraissaient peu convaincants. Ci-après les œuvres principales citées.
- « Des graphes à la flèche du temps » rubrique Logique & Calcul par Jean-Paul Delahaye, in Pour la Science n°574, aout 2025, p.72-77.
Sommaire
📍 Les analyses d’œuvres incluent toujours des éléments sur leur contenu. Si vous craignez d’être divulgâché, vous pouvez utiliser les titres des paragraphes pour vous faire une idée de leur thème.

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🔷 Réduire l’entropie
La mécanique quantique est une source merveilleuse d’inspirations pour concevoir des surnaturel variés, riches, surprenants et stimulants. Comme l’objet ici est de développer des situations imaginaires (en fantasy, fantastique, science-fiction), il suffit de se concentrer sur un aspect et se demander comment il pourrait être illustré dans une histoire. Bonus : à nouveau, comme nous sommes dans l’imaginaire, même les théories erronées peuvent servir!
🔍 Où l’on parlait d’entropie et de thermodynamique appliquées à la magie
Des lois fondamentales : la magie (1/2)
Les sciences naturelles (biologie, exobiologie, thermodynamique, etc.) constituent un formidable vivier pour créer de nouvelles espèces ou bien pour en approfondir d’autres.
■ En physique
Point de départ: « Des graphes à la flèche du temps » rubrique Logique & Calcul par Jean-Paul Delahaye, in Pour la Science n°574, aout 2025, p.72-77
Pour Ludwig Boltzmann au 19e siècle, « au niveau microscopique, il n’y a pas de direction temporelle privilégiée – ce qui est cohérent avec la réversibilité des lois de la physique. Ce n’est qu’au niveau macroscopique, à cause de la croissance de l’entropie, que nous avons l’illusion d’un sens particulier d’écoulement du temps : le passé, de plus faible entropie, est différent du futur, de plus forte entropie. »
L’idée s’appuie sur la seconde loi de la thermodynamique, ou principe de Carnot, qui affirme que « l’évolution d’un système thermodynamique conduit à un accroissement de l’entropie globale, somme de celle du système et de celle du milieu extérieur ». À noter que « l’augmentation de l’entropie décrite dans le second principe de la thermodynamique est une augmentation en moyenne : temporairement, de petites diminutions sont possibles. »
Cette solution comporte quelques problèmes : « pour que l’entropie augmente, il faut que l’état initial de l’Univers, au commencement du temps, soit un état de faible entropie. Or ces états sont peu probables : c’est donc une hypothèse très forte ! Au fond Boltzmann se contente de déplacer le problème avec une hypothèse ad hoc sur le point de départ de notre monde. »
■Un sort (ou dispositif) de réduction de l’entropie d’un sous-système
Pour l’application ludique et dramatique, je laisserai le Big Bang tranquille et me contenterais de considérer des systèmes de taille insignifiante (à l’échelle de l’Univers) mais quand même suffisante pour une histoire.
En thermodynamique, l’entropie moyenne d’un système augmente avec le temps, mais on peut localement réduire l’entropie. Dans notre problématique, cela reviendrait à effacer un événement strictement circonscrit (un système local). Le prix serait une sorte de « brûlure » de « magie sauvage » d’une puissance proportionnelle à la correction, et correspondant à l’augmentation moyenne de l’entropie.
Pour illustrer le mécanisme, je passe par un exemple.
- En temps T0, Alice assiste à la mort tragique de Bob, abattu par Charlie.
- La bataille fait rage, et Alice ne peut s’occuper de Bob qu’en temps T5.
- Alice utilise un sort (ou une machine extraordinaire) pour modifier l’événement tragique. Elle ne fait pas reculer l’univers dans le passé (cela requerrait une énergie délirante), mais s’attaque à réduire l’entropie d’un sous-système ( « Bob » ) au prix d’une augmentation de l’entropie moyenne globale. Alice est à T5, tout comme le cadavre de Bob.
- Le dispositif de sauvetage isole le sous-système « Bob » et le fait revenir à T0.
- Alice fige la scène en T6, et introduit un obstacle entre Bob et la balle qui devrait le tuer.
- Le dispositif de correction accumule une énergie entropique proportionnelle à (1) le temps écoulé (désormais T6 voire T7) et (2) le nombre d’éléments manipulés (la zone d’effet).
- Quand il reprend conscience, Bob a l’impression d’avoir fait un saut dans le futur (il se croyait encore en pleine bataille). Alice de son côté a changé le passé tout en continuant à évoluer dans le flux principal du temps. Le dispositif utilisé provoque des dégâts à la hauteur de l’énergie entropique stockée durant l’opération de sauvetage.
Il est important de bien identifier le système visé par la réduction de l’entropie ! Tout ce qui a été affecté, même à distance, par le sous-système visé (causalité et intrication) devra être inclus dans la zone.
Par exemple, supposons que Bob tenait une télécommande empêchant une bombe d’exploser. Quand Bob est mort en T0, la bombe a exploser immédiatement, causant la mort de Dora. Si Alice veut sauver Bob, la zone d’effet doit inclure la salle détruite par la bombe. Tout de suite, les volumes ne sont plus du tout les mêmes, et donc le coût!
Imaginons que Bob portait une particule intriquée à celle détenue par Erwan. Supposons que par un plan improbable, la mort de Bob provoque une mesure, alors Erwan appartiendrait au sous-système « Bob » touché par la réduction de l’entropie pour corriger le passé.
🎲 Comment utiliser « l’hypothèse d’un passé de faible entropie » en JdR?
Les réglages fins dépendent de l’ambiance qu’on vise. Si les contraintes sont faibles, la manipulation du temps sera fréquente et de grande ampleur. A l’inverse, si le coût est trop important, elle ne servira jamais. Si le coût est faible pour un système de petite taille, alors le sort (dispositif) pourrait devenir d’un usage aussi banal et « couteau suisse » que de la télékinésie.
- Entropie « KABOUM » = nombre de rounds × taille de la zone d’effet
- Question 1 : quel est le coût de l’utilisation de ce sort (ou dispositif)?
- Question 2 : quelle est la puissance de l’entropie dégagée ?
- Question 3 : peut-on orienter le flux explosif de l’entropie ?
- Question 4 : à quelles conditions peut-on intervenir dans le sous-système? (interposer un obstacle, déplacer une personne…) Si rien n’est possible, alors on ne peut pas changer grand-chose.
- Question 5: comment se manifeste « KABOUM » ? (explosion, corruption, ouverture d’une faille dimensionnelle…)
❗❗Notons que tout système de « grande taille » pose des problèmes majeurs en JdR (moins en roman). Les joueurs voudront bien imposer leurs correctifs aux PNJ (voire les tuer facilement grâce à cette astuce), mais ils détesteraient subir les initiatives d’un PNJ à leur encontre! Des problèmes se poseront dans tout jeu fondé sur un équilibre des forces (entre classes, entre PJ et PNJ).
En conclusion ?
On peut aussi remarquer qu’il existe des approches similaires en jeu vidéo. Je me rappelle en avoir vu dans l’un des « Prince of Persia« . Ici, l’équilibrage est vite fait : on détermine de combien de secondes vous retournez dans le passé.
Si on fait abstraction du problème (majeur !) d’équilibrage (en fonction de l’ambiance visée), la réduction de l’entropie comme méthode de correction du passé offre un outil stimulant de résolution de situation en jeu de rôle, avec pour seule limite l’imagination des joueurs. On pourrait par exemple :
- Rouvrir une porte qui vient de se fermer pour entrer dans un bâtiment.
- Éteindre ou rallumer des machines ou artefacts
- Refermer la porte piégée qu’il ne fallait surtout pas ouvrir
- …
Ce qui me plait le plus : on peut jouer à changer le passé sans se cogner à d’énormes problèmes de causalité (le paradoxe du grand-père – sur Wikipédia) ! On y échappe car le sous-système dont on réduit l’entropie est relié par la causalité (et non par un espace continu). C’est sympa, mais il faut avoir bien conscience que cette solution semble (même avec un niveau médiocre de physique) enfreindre la théorie de la relativité restreinte (sur Wikipédia). En effet, l’idée ici est considère que la causalité prime sur tout, et va donc « plus vite » que la lumière. La causalité devient donc « surnaturelle » !
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A suivre ! ✨


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