Contemplant avec embarras ma pile des « non-lus », j’ai décidé d’être raisonnable : ne plus acheter tant qu’elle ne diminue pas ; lire et annoter avec discipline. C’est rude quand on a une longue liste de vœux d’achat, qu’on a écumé OpenEdition et trouvé plein de livres très intéressants… Mes bonnes résolutions m’ont permis de trouver des ressources inspirantes et qui m’attendaient là, sur l’étagère, en se languissant d’être lues.
Lors d’un exercice de création d’univers, j’essaie de procéder méthodiquement pour ne pas oublier un aspect important, et risquer de laisser de « trou » de cohérence. Je suis donc très friande de modèles logiques qui peuvent intégrer une check-list.
Le présent article vous propose une synthèse sur les caractéristiques du vivant et sur la manière dont la thermodynamique offre des pistes de réflexion pour la magie. Je l’ai coupé en deux parties
Quelques articles récents avec l’étiquette « Bestiaire » pour créer des créatures
Références : les articles sont accessibles sur le site de la revue (accès abonné ou achat à l’unité).
- « La quête des principes universels de la vie » in Pour la Science n°545, mars 2023, p. 24-33
- « “LYFE” : la vie redéfinie » in Pour la Science n°545, mars 2023, p. 34-39
- « Thermodynamique. Quand ses lois passent à l’échelle quantique » in Pour la Science n°544, février 2023, p. 22-30
Sommaire
📍 Les analyses d’œuvres incluent toujours des éléments sur leur contenu. Si vous craignez d’être divulgâché, vous pouvez utiliser les titres des paragraphes pour vous faire une idée de leur thème.

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🔷 Magie et thermodynamique
La deuxième loi de la thermodynamique (sur Wikipédia) a eu un formidable succès, avec plusieurs adaptations à différents domaines. Contrairement à la physique newtonienne, elle reconnait l’existence de la flèche du temps. Elle est illustrée de manière imagée par le démon de Maxwell et toutes les solutions qui ont été pensées pour résoudre ce problème (sur Wikipédia).
■ Un peu de physique dans votre magie?
Voici un concentré des aspects qui m’ont paru les plus utiles :
- « L’entropie d’un système thermodynamique isolé ne peut que croitre au cours du temps. Un mélange de deux fluides de températures différentes ne peut tendre vers l’équilibre thermique. Inversement, sans apport de travail, il est impossible (ou plus exactement, infiniment peu probable) de séparer un fluide froid et un fluide chaud à partir d’un système à l’équilibre thermique. »
- Une créature (comme le démon de Maxwell) qui réduit l’entropie d’un système ne peut le faire qu’en intégrant ce système, et en augmentant ce faisant sa propre entropie.
- L’entropie caractérise notre ignorance du système, mais aussi la désorganisation de ce dernier. Un système parfaitement organisé a une entropie très faible, tandis qu’un système très désorganisé a une entropie élevée. On peut formuler l’entropie de différentes façons (Physique quantique : entropie de von Neumann ; Thermodynamique classique : entropie de Boltzmann, entropie de Gibbs ; Théorie de l’information : entropie de Shannon). Dans la théorie de l’information, l’entropie est la mesure de la complexité (ce qu’on ne peut compresser, simplifier).
- Le calcul réversible permet de réinitialiser le processeur sans dissipation de chaleur, mais son coût matériel est élevé. Pour obtenir une opération dite « logiquement réversible », tout l’information doit être préservée au cours du calcul pour permettre son inversion. « L’irréversibilité, de même que la frontière entre travail et chaleur, dépend simplement de l’existence d’une source de bruit, qui perturbe aléatoirement les trajectoires du système induites par l’opérateur. »
- En thermodynamique quantique, « une superposition d’états ne peut survivre que si elle est tenue secrète. Le secret est d’autant plus difficile à tenir que le système est grand et que l’information peut fuir facilement dans l’environnement, qui agit comme un appareil de mesure incontrôlable. »
- Pour construire les concepts thermodynamiques, il suffit d’un système, d’une entité pour le contrôler, et de perturbations aléatoires.
Pour les non-spécialistes (dont je fais partie), ces concepts demandent plusieurs lectures, et même alors je ne suis pas toujours certaine d’avoir parfaitement raison dans ma compréhension. Il me semble qu’on a néanmoins bien une base exploitable pour concevoir la magie et l’interroger.
■ Applications en système de magie
📍Le lien entre arcaniste, sort et cible
L’arcaniste forme un système avec son sort, et ce qu’il modifie. En prenant le contrôle de la réalité, il reste lié avec ce qu’il a changé ; il augmente sa propre entropie.
Le lien avec la cible est intéressant, car il propose de voir différemment les sorts guerriers. Si toute créature affectée par la magie est liée à l’arcaniste, qu’est-ce que cela signifie? Quel serait leur lien ? Quel est le risque de lancer un sort sur autrui ? Peut-on imaginer un univers dans lequel la magie sur cible (autre que soi ou un bien qui nous appartient) est tabou à cause de ses conséquences ?
📍Traduire l’augmentation de l’entropie
Il est établi que pratiquer la magie augmente l’entropie de l’arcaniste. Mais quelles sont vraiment les conséquences ? Les effets d’une augmentation de l’entropie d’une créature dépendent de l’univers.
Dans le cadre de Warhammer (site de la Bibliothèque Impériale), la corruption et le chaos sont les conséquences, s’exprimant par des mutations hideuses et l’horreur.
Dans le cadre FIM, l’arcaniste est influencé par les éléments qu’il manie, et manie des éléments qui lui ressemblent, formant une boucle de rétroaction ; plus une créature use de magie, et plus elle est sensible aux lois du monde spirituel.
On pourrait aussi imaginer des conséquences radicales, comme perdre sa matérialité, se dissiper progressivement pour n’être plus qu’énergie jusqu’à ne faire plus partie que du système sort-cible… donc être absorbé par ses cibles ! Un destin un peu inattendu et aux antipodes de l’archimage surpuissant.
Il y a aussi plus simplement le risque d’une accélération du métabolisme. Dans ce cas, les arcanistes ambitieux seraient voués à mourir jeunes, et la tentation de devenir une liche serait plus compréhensible. Pourquoi renoncer à la vie alors qu’on est au sommet de sa puissance et consumé par elle ?
🔍 Pour en savoir plus sur le surnaturel dans FIM
📍Dissipation de chaleur
La magie devrait dissiper de la chaleur ! C’est un peu embêtant pour les sorts de froid, mais pourrait donner lieu en cadre parodique à des sorts de type « climatisation » qui refroidissent en un point et réchauffent un autre !
Mais si on veut s’épargner des difficultés, on peut considérer plutôt un rayonnement. Son existence suggère qu’il existe toujours des traces de l’utilisation d’un sort. Celles-ci, selon l’univers, pourraient être perçues par une sorte de sens du toucher (vibration), d’audition (son), de vue (luminescence résiduelle), ou même d’odeur (même si en analogie, on sort des ondes).
📍Un facteur aléatoire
L’aléatoire est flagrant dans l’univers de Warhammer (sur le Grog) avec un risque de manifestation du Chaos, mais se manifeste partout où on lance des dés à un moment de l’action visant à lancer un sort. En s’inspirant du problème de l’irréversibilité et du bruit, le risque pourrait augmenter avec :
- Les témoins (observateurs) : cette magie fonctionne moins bien quand un tiers regarde. Sur FIM par exemple, les tiers observateurs sont des perturbateurs. Si la magie doit être cachée pour être efficace, on comprend aussi pourquoi certains pourraient douter de son existence.
- La taille du sort : plus le système est vaste, et plus il est difficile à contrôler.
- La rapidité d’une transformation : plus on essaie d’aller vite, fort, profond, radical, et plus le sort serait difficile à contrôler, avec un haut risque de fuite et de perte de contrôle.
📍Le calcul réversible
Pour éviter l’entropie, on peut imaginer des sorts avec peu de risque d’entropie pour l’arcaniste et peu de dégagement de chaleur (ou rayonnement).
- Le sort est petit et circonscrit
- Pas de témoins, ou l’effet n’attire pas l’attention
- L’effet est lent, ou ne fait qu’accélérer un phénomène naturel
En conclusion ?
Si on s’attache à utiliser les lois de la thermodynamiques pour la magie, on retrouve certaines intuitions de créateurs d’univers à propos de l’énergie. On peut cependant aller plus loin, en justifiant par exemple les craintes, les légendes noires et les mesures de sécurité. On se laisse aussi la possibilité de développer une magie moins « passive », qui invite les joueurs (ou lecteurs de fiction) à s’imaginer les effets qu’ils pourraient créer, et à quel coût ! 📚✨
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A suivre ! ✨


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